Discours d'une reine

Discours d’une reine

« Bonjour à vous, chers sujets !
Aujourd’hui est un grand jour !
Hier encore j’étais ignorante, et je vous prie d’être cléments et de me pardonner pour cette méprise.
Le vote d’une nouvelle loi a été réalisé. Cette dernière mettra notre peuple, nos progénitures et notre royaume en avant ! Oui, en avant !
J’ai discuté avec l’un de vous, un grand homme. Il l’était ! Oui, il l’était ! Ce fourbe, pourvu d’un esprit pervers et lâche, n’a pas omis de me vénérer, mais il a fait preuve d’une faiblesse désormais proscrite dans notre royaume.
Nous savons tous, ne me contredisez point, que le narcissisme nous hante au plus profond de nous. Ainsi, celui ou celle qui fera preuve de modestie sera un hypocrite doublé d’un lâche. Seuls les lâches ne s’assument pas. N’ai-je point raison ?
*Les auditeurs montrent leur appui. La reine reste concentrée.*
C’est pour cette raison que votre confrère n’a plus de tête. Ainsi, il aura une réelle excuse de ne pas en user.
C’est pourquoi la loi s’ajoutant aux autres énonce :
Tout sujet du royaume de Mathilde de Vegas qui aura, volontairement ou involontairement, usé de modestie se verra « modestement » décapité.
Peut-être pensez-vous que cela est excessif, mais j’agis pour le propre bien du pays. Nous devons imposer le respect aux royaumes qui nous bordent. Voulez-vous qu’ils rient de nous ? Voulez-vous que leurs doigts moqueurs nous pointent ?
Moi, je le refuse !
*Cris d’acclamations*
Je veux entendre de la bouche d’étrangers que le plus simple des habitants de notre pays parait valoir dix hommes. Je veux que nous ayons confiance en nous, tous autant que nous sommes, que nous soyons vu comme des dieux irréprochables !
Le déclin de la modestie a fait son premier pas hier. L’arrogance, le véritable sentiment humain, prendra enfin toute son ampleur. La franchise sera notre plus grande force !
Gloire au pays ! »

Tandis que la fillette de douze ans s’extasiait devant son grand miroir en imaginant les cris d’acclamation et les applaudissements qu’elle aurait reçus, son père finit d’ouvrir la porte qu’il avait entrouverte durant le discours.
– Ma tendre fille ? J’ai pu constater l’ampleur de votre étude anthropologique. Je vous félicite pour ce discours. Je suis fière de vous.
La fillette bien trop gâtée rougit devant les compliments de son père.
– C’est vrai ? Vous le pensez ?
– Indubitablement !
– Je ne vous crois pas, vous êtes bien trop flatteur !
– Attention, ma fille ! Votre tête pourrait tomber. N’avez-vous pas fait voter une loi interdisant toute modestie ? Sous peine de mort ? piégea le père, avec un sourire satisfait.
Mathilde baissa la tête, songeant qu’elle aurait pu la perdre.
– Ne vous en faites pas, je suis bien clément et je vous permets de la garder !
– Mon roi, le peuple n’attend que votre discours, intervint un homme, un chevalier, pour être exact.
– J’arrive, mon très cher ami. Il ne faut jamais faire attendre son peuple !

FIN