PARTIE 1 (extrait 1):
Nami Anderson
Comme tous les matins, je me regardais dans le miroir. Mais quelque chose d’improbable se passa. Mon reflet bougeait de lui-même, sans que, moi, je ne bouge. J’étais pétrifiée. Je secouais la tête tout en fermant les yeux et redirigea mon regard vers le miroir. Mon reflet bougeait encore à mon insu. J’avançais ma main vers le miroir jusqu’à le toucher. Comme si j’avais posé ma main sur de l’eau, le miroir ondula. Tout bougeait autour de moi et je ne comprenais plus rien. La porte de la salle de bain s’ouvrit d’un grand coup de pied, j’étais pour ainsi dire sur mes fesses. Mon père venait de défoncer la porte.
- T’as crié parce que tu t’es vu dans le miroir, me lança-t-il d’un regard en coin et d’un grand sourire aux lèvres.
Lui d’habitude si calme et sans expression était devenu surexcité, des expressions différentes pouvaient même se lire sur son visage, comme l’ironie et le mépris.
- T’as pas ta langue dans ta poche ce matin, qu’est-ce qu’il se passe, lui demandais-je, inquiète.
Il me lança un regard froid et noir qui aurait pu geler le soleil en moins d’une minute.
- Mais il n’y a rien du tout …
- Bah, pourquoi tu es comme ça alors, tu n’es pas pareil que d’habitude …
- Ah bon, s’inquiéta-t-il, ma chérie, cria-t-il en se retournant, ce qui me fit sursauter, vient voir un instant s’il te plait.
J’entendis des pas pressés sur le carrelage du couloir menant à la salle de bain avant que la tête blonde de ma belle-mère se dessine dans l’ouverture de la porte.
- Qui a-t-il, demanda-t-elle.
- Elle trouve que je suis étrange ce matin, tu trouves que je suis étrange toi ?
Elle le regarda droit dans les yeux, l’ausculta, le regarda de bas en haut et déclara :
- Oui, en effet …
- Qu’es ce que j’ai, s’empressa-t-il de lui demander.
- Tu as mis des chaussettes …
- J’avais froid aux pieds, l’interrompit-il.
- Et tu as mis du déo, finit-elle.
- Je ne supportais plus ma propre odeur.
J’éclatais de rire, ma belle-mère et lui me suivirent. Mais je savais néanmoins que quelque chose clochait …
- Vous avez déménagé la cuisine, demandais-je.
Mon père me regarda, regarda ma belle-mère et demanda :
- Tu as touché le miroir ce matin ?
- Pourquoi ? Il ne fallait pas ?
Il lança un juron, m’empoigna le bras et m’emmena devant le miroir de la salle de bain. Je n’avais plus de reflet … Mon père me lâcha et resta bouche bée ? Il finit par se reprendre et déclara que je n’étais pas sa fille. Sur le coup, je n’ai pas compris.
- Retourne dans ton monde, lança-t-il, tu n’es pas ma fille.
Il me prit la main et la posa sur le miroir, mais rien ne se passa, le verre était froid comme de la neige. Il lâcha prise quand il vu que ça ne servait à rien.
- Je ne comprends rien, dis-je doucement, voyant qu’il était choqué.
- C’est normal, répondit-il, je vais tout t’expliquer.
Il m’expliqua alors que j’étais dans un monde où il ne fallait pas faire une seule bêtise sinon le reflet – la personne qui regardait le miroir – risquait de se rendre compte de l’existence d’un autre monde. Et apparemment, mon reflet et moi avions échangé de monde. Je me retrouvais dans le sien et elle dans le mien. Mais face à ses explications, je ne savais pas quoi répondre. D’habitude, j’aurais tourné les talons pour aller chez un ami. Mais je ne savais même pas s’ils le seraient. Je restais bouche bée et commençais à ne plus rien entendre de ce qu’il me disait. Soudain, je perdis connaissance.