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| La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] | |
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Myrien Admin
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| Sujet: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Mar 24 Jan - 21:15 | |
| Exceptionnellement, et afin de faciliter la lecture de l'histoire, les commentaires devront être postés sur cette page. - Aurore… déverse… En… - Pourquoi dis-tu cela ? Qu’est-ce que ça veut dire ? - Il est mort, dit Vayn. Continuons notre route, Enora. Nous ne pouvons pas nous attarder ici. - Mais… - Il faut reprendre notre route » insista Vayn en se relevant. Allez, viens. Enora pleurait en silence, la tête baissée, tandis que l’étrange duo progressait sur un chemin où se mêlaient broussailles et terre battue. La forêt d’Hirwald leur était familière. Chacun l’avait arpenté dans tous les sens. Jamais ensemble. D’ailleurs, l’un et l’autre ne se connaissait presque pas. - Enora, lança le pense-route, tu as remarqué l’expression de son visage dans ses derniers instants ? - Oui. Il avait l’air horrifié en me regardant. Je n’ose imaginer ce qu’il a vécu avant que nous le retrouvions dans cet état. - Je ne sais pas non plus. A l’évidence, il a du croiser le chemin d’un sorcier de ténèbres. Je ne vois pas ce qui aurait pu le laisser dans un tel état. Enora releva son visage vers son compagnon. Sa dernière larme avait coulé, et ne restait qu’un sillon humide parcourant son visage de la paupière au menton. Son œil s’illumina soudain et la peur s’y lisait aussi sûrement qu’une piste de gibier pour un forestier. - Cela signifie que le sorcier ne doit pas encore être loin ! fit Enora avec une pointe d’angoisse qu’elle avait vainement tentée de cacher. Vayn se mit donc en devoir de la rassurer. - Non, je ne pense pas. Ce n’est pas dans les habitudes des sorciers de rester dans les alentours de leurs crimes. Mais ce qui m’intrigue le plus, ajouta-t-il en restant fidèle à sa vocation, c’est l’expression de son visage juste avant de mourir. L’expression d’Enora se fit plus soucieuse. - Que veux-tu dire ? - Et bien, n’as-tu pas remarqué, à la dernière seconde ? Ce n’était peut-être même qu’une fraction de seconde, j’en conviens, mais je suis persuadé de l’avoir vu… sourire. - Tu dis n’importe quoi, dit la sensiblâme en secouant la tête. C’est encore ta passion pour les grandes aventures qui te font voir ce que tu n’as pas vu. Tu cherches encore à créer une histoire. De toute façon tu vois des mystères partout. - N’est-ce pas là l’occupation première des pense-routes ? demanda l’autre en souriant. Que ferai-je donc si je n’avais pas de nouvelles histoires à raconter, de nouveaux mystères à élucider, quelque aventure fantastique à transmettre, ou une réflexion nouvelle pour nourrir mon esprit avide de savoirs ? - Et depuis quand les pense-routes se font troubadours ? - Mais nous avons toujours été troubadours, fit Vayn, piqué dans son amour propre. Les pense-routes sont des penseurs marcheurs. Ils parcourent le monde en quête de pensées nouvelles, de réflexions et de philosophies. Mais leur dur labeur ne servirait absolument à rien s’ils ne partageaient pas toute cette accumulation de savoir ! Ainsi, il est de notre devoir de conter notre expérience à qui veut l’entendre… - Dans les tavernes ? - Et quel meilleur auditoire qu’une bande d’ivrognes soûls et avides d’histoires ? Tout à fait ! - Vu sous cet angle. Vayn décida de contre-attaquer. - En revanche, je me demande parfois quel est le rôle des sensiblâmes. Autant les pense-routes travaillent jour après jour à l’amélioration du savoir individuel et commun et donc à l’évolution intellectuelle des masses, tout en assumant parfois le rôle d’enquêteur historique, autant je ne comprends pas votre utilité. Vous paraissez si… fragiles ! - Les sensiblâmes ne se résument pas à une apparente fragilité, pense-route. Nous sommes des mystiques nées. Seules les femmes peuvent naître avec le don de sensibilité. Nous recevons constamment et de manière totalement indépendante des informations sur notre environnement. Ce que vous pensez est et demeure un mystère pour moi, mais votre âme parle pour vous, avec son langage propre. Je peux, dans une certaine mesure, retracer la biographie de vos nombreuses vies antérieures, et de votre corps se dégage une aura qui en dit bien plus qu’un très long discours. Par exemple, à la teinte particulière de la partie haute de votre aura, je sais que vous plaisantez et que vous m’avez attaquée dans l’unique but de me piquer au vif. Je sais aussi, par déduction, que vous savez très bien ce qu’est une sensiblâme. D’ailleurs, quel pense-route ne le saurait pas ? - Alors pourquoi me répondez-vous avec autant de passion ? - Pour la bonne raison que je tiens à vous apprendre certaines choses sur nous. Les sensiblâmes ne sont pas appelées ainsi par faiblesse de caractère. Loin de là, notre don nous permet de voir le monde d’une manière beaucoup plus riche que vous. La palette de nos couleurs visibles est infiniment plus développée que la votre. Si nous pleurons un mort, c’est parce que nous comprenons qu’une intelligence pourvue de sentiments et riche de vie et de couleurs vient de s’éteindre. La disparition d’une couleur, unique pour chaque être humain, est une perte qu’il est difficile à supporter, même pour une sensiblâme aguerrie et habituée à ces tristes scènes. Voyez-vous maintenant, Vayn, pourquoi on nous appelle sensiblâmes ? Le pense-route ne se sentait plus d’humeur à plaisanter. Et c’est en toute humilité qu’il répondit à la question. - Oui, je comprends mieux. Il semble que la masse vous juge à tort en fonction de cette appellation ambiguë. - Exactement. Et pour votre information, sachez que nos dons vont encore bien plus loin que ce que je vous en ai dis. Mais ceci est et restera toujours de l’ordre du secret. Et, au passage, sachez que votre belle façon de parler me fatigue. Je vois bien à votre aura que ça ne vous est pas naturel, alors exprimez-vous clairement, sans contrainte. - Vraiment ? - Et vous pouvez même me tutoyer si vous voulez. Vayn expira un long moment. - Oh bon sang ! Je pensais pas que tu verrais ça aussi. Pfiou ! J’ai l’impression de respirer à nouveau ! Enora sourit. - Je continuerai à vous vouvoyez, en revanche. Cela me plait et donne à nos discussions un caractère plus comique. - J’accepte le compromis. Est-ce là une preuve d’un début de lien social qui se tisse entre nous ? Un début d’amitié peut-être bien ? - Peut-être bien. Et c’est en continuant à marcher côte à côte vers la ville d’Eoras que l’étrange duo d’aventuriers se dirigeait vers un nœud de l’Histoire. ***
Dernière édition par Myrien le Dim 5 Fév - 16:37, édité 5 fois | |
| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Mar 24 Jan - 21:16 | |
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Arrivés à Eoras en toute fin d’après-midi, Vayn et Enora choisirent de s’installer dans une auberge située sur la pente montante reliant la Basse-Ville aux quartiers riches. Le meilleur qualité-prix, selon Enora. - Bonjour, mademoiselle. Bonjour, monsieur, fit un serveur avec des manières dignes d’un restaurant de luxe. Que désirez-vous ? Les deux clients observèrent cet homme étrange. Il portait un costume noir et blanc bien trop propre et certainement bien trop cher pour son statut. Son visage avait l’air de juger les clients d’un air hautain, mais Enora ressentit immédiatement qu’il n’en était rien, cependant que Vayn comprit que cet homme n’avait tout simplement pas l’habitude de sourire. Aussi aucun d’eux ne se formalisa du ton employé par le serveur. Vayn, prompt à parler le premier et toujours curieux, se lança : - Qu’avez-vous à nous proposer, brave serveur ? L’homme accusa le coup d’un froncement de sourcil à peine perceptible. - Si monsieur veut bien me permettre de lever un doute. Je ne suis pas serveur mais majordome de salle, et c’est en cette qualité que je viens vers vous. Aussi, si cela ne dérange pas monsieur, je vous demanderai de bien vouloir respecter le titre qui m’est du. De la même manière, je vous nommerai par votre titre et nous respecterons les protocoles d’usage dans une société civilisée. Sa fin de phrase fut ponctuée d’un éclat de voix quelque part sur la gauche du vieil homme et une pinte de bière vola dans sa direction. Celle-ci le rata de peu et le majordome de salle de fit pas un écart pour éviter le projectile. Puis il reprit, comme si l’incident n’avait jamais eu lieu. - Si maître pense-route voulez bien passer commande… Vayn tiqua. - Comment pouvez-vous deviner que c’est là ma fonction ? - Rien de plus simple, fit l’homme en une maigre ébauche de sourire. Seul un pense-route, habitué à voyager seul et dépourvu de bonnes manières, souhaiterait prendre commande en se mettant en avant comme un adolescent juvénile et avant une demoiselle. Le fragile éclat dans l’œil de l’homme était comme un fou rire. Cette lumière ténue s’éteint néanmoins rapidement. Et le pense-route, acceptant la défaite, maugréa : - Une bière pour moi. - … - S’il-vous-plait. - … - Majordome de salle. - Vous pouvez m’appeler Alfred. Et pour mademoiselle ? - Un siramenthe, s’il-vous-plait Alfred. - Bien, mademoiselle. Et il détala avec une classe indéniable. - Vous avez été soufflé. - Question de point de vue, râla Vayn. Enora sourit, car elle voyait à la teinte de son ami que celui-ci était amusé plutôt que vexé, mais décida de jouer le jeu plutôt que de lui révéler qu’elle savait. Les gens avaient tendance à se montrer mal à l’aise en présence d’une sensiblâme dès lors qu’ils comprenaient qu’une émotion sincère ne pouvait leur être dissimulée. Ce qui n’était pas le cas pour les sensiblâmes, et tant mieux pour elle. Tout à leurs boissons, aucun d’eux ne vit l’homme étrange qu’ils avaient vu mourir quelques heures plus tôt, et qui était à présent bien vivant, attablé dans un coin de l’auberge. Ils ne le verraient pas non plus quitter la table peu de temps après, pour disparaître derrière une porte, et ne plus revenir.
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Mar 24 Jan - 21:16 | |
| Mia courait, son corps n’était qu’un frottement d’air pour les herbes hautes qu’elle frôlait. Ses yeux avaient cette expression vitreuse qu’elle arborait parfois lorsqu’elle était absorbée dans ses réflexions. Une fois encore, elle fuyait. Non pas qu’elle ait commis un quelconque crime, mais ce qu’il y avait dans sa tête la faisait passer pour une espèce de créature étrangère à l’être humain aux yeux des gens normaux. Et ça avait toujours été ainsi. Aussi loin qu’elle s’en souvienne. Pas de repères, pas de véritable attache, à chaque fois qu’elle s’essayait à communiquer ses pensées profondes, ses choses bizarres qui circulaient dans sa tête, les gens la fuyaient. Aujourd’hui, c’était à elle de fuir. Marre de subir la pensée des autres. Mia venait d’un petit village reculé qui vivait en autarcie en plein milieu de la forêt bordant la cité d’Eoras. Jamais encore elle n’avait quitté le village où elle était née. Personne n’en sortait, et personne n’y entrait. Le village tenait farouchement à son anonymat et y veillait avec force. L’empire lui-même n’en avait pas connaissance, et cela leur évitait de payer l’impôt. Grand bien leur en faisait d’ailleurs, puisque la monnaie n’y avait aucune valeur. Seul le troc avait cours. Jamais un visiteur, jamais un baroudeur, jamais un troubadour, exception faite de quelques rares initiés ayant permis de séjour, afin de rapporter des nouvelles de l’extérieur et de rapporter de nouveaux mâles et de nouvelles femelles. Mia était de cela, elle en était persuadée. Même si on lui disait le contraire, personne ne pensait comme elle, personne ne lui ressemblait. Et sa différence était si flagrante que même au sein de cette population étrange, elle était une bizarrerie. Elle était différente. Elle avait l’impression que les gens ne pensaient pas, ou bien qu’ils pensaient trop simplement. Comme s’il leur manquait un morceau dans le cerveau et que cela les restreignait dans leur champ de vision et de pensée. Ce n’était pas des moutons, mais en son for intérieur, elle se sentait plus vaste, en dedans. Comme si son âme avait un corps bien plus grand qu’elle-même, au sens physique du terme. Et voir ces gens, si normaux, si désespérément banals, était pour elle une sourde torture. Certains sortaient presque du lot, presque, et elle avait essayé de leur parler, de nouer des liens avec eux. Mais à chaque fois, ses tentatives s’étaient soldées par des échecs et des déceptions. Non, elle était différente. Et cette terrible conviction était un fardeau effroyable, qui la torturait de jour comme de nuit, la plongeant parfois dans de profondes réflexions, ou la faisant fixer un être humain avec ce regard qui avait fini par faire peur à son entourage même. Aujourd’hui, c’en était à tel point qu’elle ne se considérait plus totalement comme une humaine. - Ces humains, pensait-elle tout haut. Ils sont si petits d’âmes, si fermés ! Ainsi fulminait-elle en traversant à présent les sentiers invisibles des animaux sauvages dans l’espoir de s’éloigner au maximum du village avant que sa disparition ne soit remarquée. Elle repensait au regard de son professeur, un parmi ceux qu’elle considérait comme les moins « étroit » d’âme. Il l’avait fixé comme s’il avait été frappé de stupidité ! Et elle, elle avait vu. Elle avait vu-ressenti cette chose terrible qui l’avait décidée à fuir le plus loin possible. Cet homme qu’elle connaissait bien semblait avoir son âme rétrécie et recroquevillée à l’intérieur de son corps. Comme une souris prise au piège par un chat, comme un homme qui a peur pour le salut de son âme. Et alors elle avait comprit ce qu’elle s’était refusée de comprendre jusqu’à lors. L’impensable. Les villageois, tous les villageois, avaient peur d’elle. Son regard les terrorisait comme le dieu de la mort pointant son doigt dans leur direction. Son acuité visuelle avait progressé d’un seul coup, comme si quelque chose de fermé en elle s’état soudain ouvert de partout. Et sa vision du monde s’en trouva soudain changée. C’était comme d’avoir des yeux partout à la fois, elle ressentait les êtres tout autour d’elle, leurs peurs, leurs désirs, leurs mensonges, aussi clairement que si leur âme était capable de s’adresser à elle instantanément, sans détour et sans rien lui cacher. Et tous la haïssait en secret, la peur rongeant leur jugement. Alors elle avait fui. Et elle pleurait. - Direction : Eoras !
Loin derrière elle, une silhouette pistait sa trace. Et elle ne la perdrait pas.
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Mar 24 Jan - 21:17 | |
| Cracha de sang. Laélia ne l’avait pas vu venir. Trois costauds se tenaient au-dessus d’elle, l’entourant de leurs masses imposantes, lui coupant tout espoir de fuite. - Alors, fit l’un d’eux, le plus entreprenant. On fait sa rebelle ? Mais tu sais qu’on aime ça, nous, les rebelles ? hein Jasper ? Le dénommé Jasper émit un rire gras et annonciateur de ses nombreux vices. - Ouais, on aime ça, répondit-il de sa voix grasse où on entendant distinctement les nombreux kilos qu’il portait en trop. Si tu veux bien te débattre encore un peut, ma jolie, on prendra plus de plaisir à te voir te tortiller comme un petit vers. - Moi je m’en fous si tu bouges, dit le troisième d’un ton bas et sombre. Tant qu’on t’entend gémir comme y faut. Le premier, toujours le plus entreprenant, celui qui l’avait coincée puis frappée, se pencha alors sur elle. Il l’attrapa par les cheveux et la tira vers le haut en tournant expressément sa poigne afin de rendre cet acte presque insupportable de douleur. Ses pieds touchaient à peine le sol et son cuir chevelu la faisait souffrir le martyre. Elle voulut crier à l’aide mais il fourra plusieurs doigts sales dans sa bouche. Le contact était horrible et des larmes de douleurs, d’horreur quant à ce qui l’attendait et de répulsion quant à ce qui était en train de se dérouler perlèrent à ses yeux. - Et ben voila un beau visage. T’inquiète pas, ma belle, ce qui se passe maintenant n’est rien comparé à ce qui va t’arriver dans quelques instants. Comme si c’était un signal, les deux autres se jetèrent sur elle, déchirant ses vêtements. Clac ! Quelque chose explosa dans l’esprit de Laélia. Comme si un verrou venait de céder dans son esprit, elle perdit toute notion d’éducation, de retenue, de calme, ne laissant place qu’à un être sauvage. Elle se débattit comme un diable alors que l’un d’eux tenait fermement ses jambes et que l’autre la déshabillait. - Voila enfin qu’elle se défend ! - Attends Jyle, y a quelque chose qui va p.. pas ! J’arrive pas à la tenir ! Jyle n’y prêta aucune attention et, retirant ses doigts sales de la bouche de sa victime, l’embrassa fougueusement en fourrant sa langue dans la sienne. Quand il la retira pour hurler de douleur, aucun son ne put être articulé. Jyle saignait abondamment de la bouche. Soudain Laélia cracha au visage de celui-ci, et il reçu une matière molle et sanguinolente sur le visage. Sa langue avait été arrachée. Ses yeux s’exorbitèrent lorsqu’il comprit la chose et il bascula en arrière, prit de convulsions. Laélia se démenait toujours, prise quant à elle de frénésie. Jasper ne put la retenir plus longtemps et le genou de la jeune fille s’écrasa immédiatement contre son nez. Les bras de Laélia étant libre, elle se jeta sur l’homme prit sa tête et écrasa la sienne sur le crâne du violeur corpulent. Elle ne pensait plus. Se relevant, elle griffa le troisième homme de la base du cou jusqu’à la joue. Tétanisé par la scène qui se déroulait devant lui, il n’avait pas réagit avant de ressentir la douleur. Jasper se relevait déjà, tendant la main. La furie lui mordit les doigts jusqu’à ce qu’un morceau de chair reste fiché dans sa bouche. Elle le recracha aussitôt, attrapa la main éphalangée, la fourra dans la gueule de son possesseur et frappa encore du genou, enfonçant la main profondément dans la gorge. L’homme s’écroula. Le troisième, griffé, décida de tourner les talons et de décamper illico presto. Malheureusement pour lui, Laélia ne lui laissa pas cette chance. Animée par une folie meurtrière d’animal pris au piège, elle se jeta en avant et attrapa l’homme à la cheville. Il rata son pas et chuta sur le sol, dans une flaque boueuse de la Basse-Ville d’Eoras. Il voulut articuler des excuses mais il ne réussit qu’à crier sa douleur lorsque, s’étend retourné sur le dos, celle qui aurait du se faire violer pendant plusieurs heures lui arracha un bout d’oreille. Il essaya de la repousser, comme prit de panique, incapable de penser normalement. Il avait peur. Il tenta de la frapper à la mâchoire, pour la sonner. Il y parvint même ! Mais sa tête se reporta immédiatement sur lui, comme si le coup avait été sans effet. Elle voulait gagner, et la victoire ne lui appartiendrait pas à lui. Il était trop tard pour cela. Laélia referma son poing droit, de la gauche elle plaqua la tête de l’homme contre le sol, puis frappa. Et frappa. Et frappa encore. Lorsqu’il s’abandonna à l’inconscience, la folie de Laélia n’en avait pas encore fini avec lui. Et lorsqu’elle reprit ses esprits, elle errait dans les ruelles sombres, brisée, mais vivante.
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Mar 24 Jan - 21:18 | |
| « L’amitié est quelque chose de sacré. C’est de l’amour. Un ami est quelque chose de rare. Beaucoup de personne sont gratifiées de ce titre à tort. L’ami, le vrai, est irremplaçable, à la fois intemporel et éphémère. L’amitié disparait quand les deux amis meurent, et survit tant que l’un d’eux vit. C’est peut-être pour cela que les concepts d’amour et d’amitié sont des concepts humains et non divins. Quel être immortel pourrait comprendre la valeur d’une amitié ? »
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Dans un espace entre le monde et le temps, un espace clos et éphémère crée pour une unique circonstance précise, deux silhouettes indistinctes discutaient. Aucune lèvre ne remuait. Ce n’était qu’échange de voix-pensée, audibles pour eux seuls, dans un monde où rien n’existait, si ce n’était eux-mêmes. Après un temps de silence théâtral, la première silhouette, la plus féminine des deux, prit la parole. - Au fait, joli numéro, pour cette après-midi. Je n’aurai pas fait mieux. - Il n’est de bon jeu que les Je qui se mettent en scène, ma folle amie, fit l’autre silhouette. Jouer à être Autre ne peut que fausser son jeu quand le Je n’est autre que ce qu’il est et n’est rien d’autre que lui-même. - Je, Autre… Toujours cette manie à embrouiller les gens avec des phrases toutes tarabiscotées, à ce que je vois. - C’est un grand passe-temps pour moi. Le monde passerait bien trop lentement sans passe-temps. D’ailleurs le temps passe et cet espace-temps n’est pas si intemporel... As-tu rempli ton office ? - Elle est en chemin. - Les fils de destin se rejoignent, dit la silhouette plus masculine. Si tous ne sont pas prêts lorsque nous arriverons au nœud… - Les fils seront prêts, mon fol ami. - Si tu le dis. La silhouette releva soudain les yeux. - Et la petite dernière ? - En marche, répondit l’autre. - Bien. Il est temps de continuer nos offices. Si nous restons trop longtemps ici, Elle va nous retrouver. J’ai un message à lui délivrer. Tu t’occupes de la petite dernière, alors ? - Je ne suis pas loin d’elle. Allons-y. - Bonne idée. Il y a longtemps que je n’ai pas joué avec les fils d’un destin. - Par « longtemps » tu entends « il y a quelques heures » ? - Tout à fait ! - Et qui est ton prochain jouet ? L’autre se vexa faussement. - Ce ne sont pas des jouets. Nous, les folâmes, avons pour devoir de marcher dans les ombres afin de combattre l’Ennemi. Nous ne faisons qu’aiguiller le destin et préparer les nœuds afin d’épargner certains fils. - C’est une façon de voir… - Quelle idée d’avoir si longtemps habiter un corps de chair. Tu sembles si attachée aux fils… - Aux humains, rectifia la silhouette féminine. Ce n’est pas pareil. Mais oui, je dois avouer que je me sens heureuse avec eux. Ils sont si tendres dans leurs faiblesses… - Attention tout de même à ne pas finir comme eux. - Ne te tracasse pas, Eofol. Je sais qui Je est et mon Je ne se perd pas là où le jeu du Je se complait et semble se complaire avec des compères, et ne perds pas mes pairs. Eofol sourit. - Nous ne te perdons donc pas. Il est rassurant de t’entendre parler comme il se doit. - Une folâme n’oublie ni sa nature ni sa mission. Tu as donc douté ? - Je le confesse, comtesse ! J’avoue que tout presse. - T’inquiète, biquette. On va pas casser d’assiette. La bulle d’espace-temps commença à rapetisser. - Il semble que nous devions partir… - … Sinon ensemble nous devrions périr ? - Joli ! - Merci ! - Partons ! - Poil au fi… La bulle d’espace-temps disparut, ne laissant pas la folâme finir sa rime. Toutefois, arrivé dans le monde réel et palpable, Eofol pouffait. - …on ! Oh quelle farceuse. Bon, je dois me rendre à mon rendez-vous. Et il disparut dans les rues en direction de la Haute-Ville.
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Mia avait couru pendant des heures. Pendant des heures qui n’avaient représentées pour elle que quelques enjambées. Enfermée qu’elle avait été dans sa propre pensée, toute notion de temps avait disparu. Et elle se trouvait maintenant, au jour couchant, devant les portes d’Eoras. Le garde en faction à la porte la héla en faisant un geste de la main. - Allez, venez, on va fermer les portes ! - Merci beaucoup ! fit Mia - Allez dépêchez-vous mesdemoiselles. - Hein ? - Merci monsieur le garde ! intervint une voix familière dans le dos de la fugitive. Mia voulut se retourner mais l’autre lui emboîta immédiatement le pas et l’entraina par le bras sous l’arche géante de la cité. - Allez, et bon séjour à Eoras, hein ! lâcha le garde en fermant les énormes portes à l’approche de la nuit. Vous savez où dormir au moins ? - Euh… - Oui, oui ! fit la voix amie en coupant Mia. Au revoir monsieur le garde ! Les deux comparses traversèrent la grande place qui faisait face aux portes et avançaient vers une grande avenue qui s’enfonçait dans la cité. Mia réagit enfin et se tourna vers la fille encapuchonnée qui la tenait par le bras. - Eo’, c’est toi ? - Eosine, toujours là pour toi ! répondit l’autre en rabattant sa capuche. Elle offrait à Mia son plus grand sourire.
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Elle offrit à Mia son plus grand sourire. - Bon, on va manger ? - Comment ? - On dit pas comment mais quoi. - Quoi ? - Je sais pas. Une pièce de bœuf ? - Comment ? - Ben avec de l’argent. Mia affichait un air perplexe. - Mais pourquoi es-tu là ? Ce fut au tour d’Eosine d’afficher un air perplexe. - Ben t’es pas contente ? Elles se regardèrent encore une longue seconde, puis rirent aux éclats ensemble. Eosine fut la première à reprendre la parole. - N’empêche, j’ai bien cru que je n’arriverai pas à te rattraper ! - Tu mas suivi ? - Pisté, pour être exacte. Et crois-moi, c’était pas d’la tarte ! - Pourquoi as-tu quitté le village ? demanda la fuyarde. - Eh ! Ce serait pas à moi de te demander ça, d’abord ? Moi je t’ai suivit parce que je t’aime ! Une amie, une seule véritable amie, dans une vie, c’est rare. Je pouvais pas accepter que tu quittes le village et sois bannie. - Mais c’est ce que j’ai fait, remarqua Mia. - … Oui bon. Ben disons que je préférais de loin être bannie moi aussi plutôt que de vivre au village entourée d’idiots étroits d’esprit et en te sachant toute seule face à l’inconnu. Ca te va ? Mia sourit enfin. Quelques larmes risquaient de s’échapper de ses yeux tant elle comprenait le sacrifice de son amie. Eosine, était sa seule et unique amie. Toujours souriante, curieuse, et se montrant tantôt timide tantôt sans complexe, elle avait su se faire accepter de la majorité des habitants du village. Elle était différente des autres. Elle aussi ne s’était jamais totalement sentie à sa place dans ce monde trop simple et à la fois trop compliqué. Eosine avait peu d’amis, à vrai dire, elle avait quelques connaissances sympas et une seule personne qu’elle qualifiait d’amie, elle-même. Devant le constat de sa fuite, laissant Eo’ toute seule, Mia s’en voulut. Mais le sourire de son unique amie était un brasier. Elle ne pouvait s’en vouloir devant ce regard qui ne la jugeait pas, qui ne lui en voulait même pas de son geste. - Amies ? demanda-t-elle. - Amies ! répondit Mia - Bon allez, j’ai faim. On va dans une auberge ? Mia ouvrit des yeux ronds. - Mais comment ? - Oh tu vas pas remettre ça. C’est connu pourtant, suffit d’écouter les histoires. Quand les héros ont faim, ils s’arrêtent dans une ville et cherchent une auberge. Si ça sent la pisse, c’est pas la bonne. S’il n’y a que des mâles, c’est pas la bonne. Si ça sent la nourriture, on s’installe, on sourit, et on commande ! - Très bien. Mais dis-moi, comment as-tu fait pour me suivre dans la forêt ? - Moi, Eosine, la folle d’Eoras, j’ai mes secrets ! Mia rit de la blague de son amie car aucune des deux n’avait jamais quitté le village dans la forêt. - Eosine, Eoras. Haha ! On dirait que cette ville est faite pour toi ! - Comme quoi, c’était peut-être le destin qui nous a fait venir ici. - Et bien allons dans une de ces tavernes dont tu as le secret, mon amie. Et partons en quête de notre destin ! Bras dessus, bras dessous, les deux jeunes filles marchaient en quête de nourriture et Mia ne vit donc pas les lèvres de son amie articuler en silence. - Je n’aurai pas dit mieux…
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Mar 24 Jan - 21:18 | |
| - Au fait, tu ne m’as toujours pas dis pourquoi tu comptais te rendre à Eoras, fit Vayn à Enora. Celle-ci prit le temps de finir son siramenthe avant de répondre. - Les sensiblâmes sont guidées par l’intuition. Mon intuition fait office de loi. Et elle me dicte de me rendre ici, afin de participer au grand Edifice. - Au grand Edifice ? fit le pense-route, avouant son ignorance. J’ai beau m’y connaître même en langues mortes, je n’ai jamais entendu parler de ça. Enora sourit car elle sentait qu’il y avait des semi-vérités dans les paroles de son compagnon. - Et moi, je croyais que vous vous y connaissiez davantage en histoires et en légendes… Je suis presque déçue. - Mon savoir est pas sans limites, tu sais. J’ai pas la science infuse. Bref, je suppose donc que c’est une légende ancienne, ou une croyance perdue et qui ne survit que chez vous, les sensiblâmes ? - Exactement. Le grand Edifice est le nom que nous donnons à la marche du Destin. Nous avons tous un rôle à jouer dans la trame du monde, nous sommes tous un fil essentiel qui participe à l’élaboration du tissu cosmique… - Ola on se calme, l’interrompit Vayn. Pas la peine de partir en explication poétique. En gros, il y a le destin, et pour que celui-ci s’accomplisse au mieux, nous avons chacun un rôle à jouer. Et vous, les sensibles, vous ressentez plus facilement où est votre destinée. C’est ça ? - Tout juste, fit-elle dans un sourire. - Et moi ? Il est où mon destin, ici aussi ? - Ca, je ne peux pas le savoir. Peut-être bien, peut-être pas. Nous verrons peut-être cela très bientôt, qui sait ? Je sens que mon moment approche très vite. J’en tremble presque d’excitation ! Vayn se recula sur sa chaise en emportant sa bière avec lui. - Tu m’ferais presque peur, tu sais. - J’y suis habituée. - Mouais, conclut-il.
Un silence ne dérangera jamais un pense-route. Ils y étaient bien trop habitués par les longues marches solitaires de bourg en ville et de ville en cité pour s’en faire un ennemi. Pour eux, un silence est un compagnon. Tandis que chez les sensiblâmes, le concept même de silence prend une signification différente. Pour elles, un silence est une absence de mots audibles. Mais une âme ne cesse jamais de s’exprimer, que ce soit à travers un corps pensant, comme un animal, ou à travers un corps ressentant, comme un arbre, une pierre, ou même la terre pour quelques rares âmes maîtresses. Ainsi, pour elles, le silence n’existe pas. A défaut de trouver un mot plus convenable, nous utilisons donc celui de silence pour transmettre ce qui suivit après cet échange de mots audibles entre Enora et Vayn. Chacun erra donc dans ses pensées pendant quelques minutes, en silence. Et le temps passa sans qu’aucun ne s’en rende vraiment compte. Jusqu’à ce que… - Bon, moi je vais aller dormir ! lança Enora, faisant sursauter son vis-à-vis. - Qu... Quoi ? Déjà ? - Parfaitement. J’ai le sentiment que c’est pour demain. Il faut absolument que je sois en pleine possession de mes moyens. J’espère ne pas me tromper ! Allez, je vous laisse. Et attention, nous avons de chambres séparées, ce n’est pas pour vous voir toquer à ma porte ce soir ! - Zut, tu vois ça aussi ? - Non, mais je vous ai pris au piège, répondit-elle avec un clin d’œil. Les hommes sont si faciles à berner. - Re-zut. Inmaïfeïss. - Vous dites ? - Oups, désolé. « Inmaïfeïss » est une expression ancienne, dans une langue morte. En substance, elle signifie que je me suis bien fait avoir. Enora partit d’un rire cristallin. - Oui, effectivement la formule est tout à fait dans le thème du moment. Le pense-route, philosophe, décida de garder le silence afin de protéger ce qu’il lui restait de dignité. Avec un dernier regard rieur, la jeune femme se retourna et quitta la salle commune de l’auberge pour monter l’unique escalier, en direction des chambres. - Zut, marmonna-t-il tout seul. Etait-ce donc pour ce soir ?
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- « Aurore… déverse… En… », ruminait Vayn. Qu’avait voulu dire cet homme mourant vêtu d’une façon si étrange.
Le pense-route ferma les yeux afin de se remémorer la scène. Ils marchaient tous les deux sur le sentier principal, en silence. Puis un froid soudain avait envahi l’espace. Un froid de mort. Quelques secondes après, un cri le fit frissonner de peur. Et ils s’étaient précipités vers la source de l’homme à l’agonie. Il portait un étrange costume de cuir noir, très près du corps, et son visage était maquillé de blanc. Dans son accoutrement, il avait tout du saltimbanque des grandes villes. Sauf qu’il se trouvait à des lieux d’Eoras, à l’écart du sentier principal, et qu’il était aux portes de la mort. L’absence de déchirures et autres blessures laissait entendre qu’il s’agissait de l’œuvre d’un lanceur de sort. Et les sorcières noires étaient redoutées dans cette région, autant que les simples brigands dans d’autres. Enora s’était jeté près de lui, posant sa main sur la cage thoracique de l’autre - sans doute pour soulager sa douleur. Qui peut prétendre connaître l’étendue des pouvoirs d’une sensiblâme, sinon une sensiblâme elle-même ? -, se précipitant pour écouter ses dernières paroles, que lui-même réussit à percevoir. - « Aurore », « déverse » et le dernier mot, qu’il n’a pu finir, « En… ». Ceci n’a peut-être rien à voir avec sa mort. Vayn était fatigué. Il était presque minuit maintenant et le serveur, ou plutôt Al’, le majordome de salle, ne l’avait jamais laissé plus de quinze minutes avec une pinte vide. Il se préparait mentalement à se retirer à son tour lorsque certains mots de la vieille langue refirent surface dans son esprit. Se pourrait-il que… ?
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Ven 27 Jan - 13:19 | |
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Isil dormait. Et quand une rêveuse dormait, elle était bien plus éveillée que n’importe quelle grande personne normale. Les rêveurs étaient des personnes dotées du pouvoir des enfants. Ceux que l’on oublie en grandissant. Les rêveurs savaient encore comment quitter leur corps, lorsque celui-ci était terrassé par le sommeil. En ce moment, c’est ce qui arrivait. Isil avait quitté son corps et s’envolait, à la surface du monde physique, parcourant la cité d’Eoras plus vite qu’un cheval au galop. Elle était à la recherche de quelqu’un. Car elle savait ce qu’il fallait faire. Elle avait déjà agit une fois pour elle. Elle recommencerait, mais cette fois-ci ce serait pour le monde. Que cette jeune fille la pardonne de l’utiliser ainsi.
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Laélia marchait de ruelle en ruelle. Ayant recouvert un semblant de lucidité, elle réfléchissait, désemparée.
Oui, quelque chose s’était brisée en elle. Elle qui aimait tant les êtres humains pourtant, avant ! Cette fois, ces humains qu’elle chérissait tant – et qui avaient tenté de la violer - avaient été réduits en charpies. Et par elle en plus !
Les larmes, enfin, montèrent aux yeux de la jeune femme et se jetèrent au dehors, dévalant avec hardiesse les montagnes de ses joues pour chuter dans le vide depuis le précipice de son menton.
Avait-elle tué ces hommes ? Devait-elle se présenter à un garde ? Ou bien pourrait-elle rentrer chez elle, se laver des immondices qui lui collaient aux vêtements et tenter d’oublier cette nuit terrible ? Elle y parviendrait certainement, avec le temps.
Laélia en était là de ses réflexions et ne pouvait se résoudre à l’un ou l’autre choix. Chacun présentait ses défauts. Dans le premier cas, elle serait certainement incriminée, emprisonnée, peut-être même accusée de folie. Dans l’autre cas, elle devrait continuer à vivre sans avoir à payer le prix de ses crimes, même si c’était de la légitime défense. Le poids lourd qui était dans son cœur ne disparaitrait pas. Et pourrait-elle seulement vivre ainsi ?
- Hé, ma jolie. Ca te dit de t’amuser avec nous ? fit un homme visiblement peu recommandable depuis une ruelle adjacente, laissant son ami rigoler de sa blague qui n’en était peut-être pas vraiment une. - DEGAGE !! rugit la fille en elle qui retenait déjà la férocité de l’animal, tremblant de rage juste sous la surface de la peau, brûlant du désir d’être lâché. Etrangement ce soir-là, Ermor ne releva pas l’affront. Une goutte de sueur avait instantanément perlée sur l’une de ses tempes et il décida de faire passer sa couardise inexpliquée pour un excès de bonté inattendu. Ce qui lui fut salvateur. - C’est bon on va la laisser tranquille celle-là, fit-il à son comparse. On dirait qu’elle a déjà eu son compte. Et d’ailleurs, j’ai même pas envi ce soir. J’rentre. Tu f’rais bien d’faire pareil. C’est ainsi qu’Erm sauva sa vie sans le savoir, ainsi que celle de son compagnon de vice.
Quant à Laélia, elle marchait toujours à travers les ruelles de la Basse-Ville d’Eoras, sans trop savoir vers quelle destination, sans trop savoir pourquoi, suivant un instinct nouveau qui la guidait inconsciemment vers une page du Destin, sans voir le fil blanc de la rêveuse qui la tirait inlassablement vers le nœud d’histoire.
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Arrivera-t-elle à temps ? se demandait Isil, inquiète. Elle ne pouvait pas presser la jeune femme, son esprit avait bien trop été fragilisé par son combat meurtrier. Elle se devait donc de la guider en douceur.
La maîtrise des arcanes secrets de la tribu des rêveurs de Sénoï lui avait permis de développer et de prolonger les pouvoirs accessibles d’ordinaire à un rêveur. Mais ses recherches, et ses croyances en la présence d’un mal dont la menace sourde pesait sur le monde, l’avaient forcée à quitter la cité sylvaine et à poursuivre seule son chemin.
Ce soir était un soir particulier. L’ange bleu allait renaître quelque part dans cette cité, et Isil prévoyait que cela aurait lieu au niveau du plus grand nœud tellurique de la Cité, au-dessus des ruelles de la Basse-Ville. Laélia avait été momentanément privée de sa barrière de conscience, ce mur léger et pourtant nécessaire à la condition d’être humain. Ce petit rien qui permettait aux hommes et aux femmes de surpasser l’instinct de survie et les désires afin de vivre en société. Sans cette barrière, un être humain est capable de prodiges physiques. Il suffit de constater la puissance que peut produire un fou furieux pour comprendre. Un ours même ne résisterait pas à un humain dépourvu de la barrière de la conscience, celle qui vous informe qu’il est mal de faire du mal, celle qui vous retient et apporte le doute, celle qui vous fait penser que vous êtes plus faible que vous ne l’êtes.
Après tout, comment un expert en arts martiaux parviendrait-il à développer une puissance à la limite de celle du corps humain, si ce n’était pas tout simplement en se coupant de la conscience ? « Ne pense pas, et vis le combat » affirment-ils. Tel était l’état dans lequel devait évoluer Laélia depuis plusieurs heures maintenant, si ce n’est qu’elle pensait en même temps et luttait de toutes ses forces pour faire perdurer ce fil ténu qu’Isil appelait « barrière de la conscience », et que celle-ci tentait inlassablement de supprimer.
Et même pour un maître tel qu’Isil, l’affaire n’était pas aisé.
Isil accentua davantage son emprise sur la jeune fille et la pressa d'avancer plus vite. L'esprit de Laélia fut surpris et sa défense fut vaine. Devenue moitié sauvage, moitié marionnette, elle fonça vers le Cimetière aux Pauvres, le vaste champ où croupissait les morts ne pouvant s'offrir une sépulture décente en Eoras, la ville aux milles richesses.
Le temps presse et je ne peux plus me permettre de choyer cette fille. Pardonne-moi Laélia, mais il ne m'est pas possible d'agir autrement. Malheureusement, ma vie ne peut pas être mise en danger dans cette bataille, car la guerre en dépend !
Dans la nuit noire, les rares badauds circulant encore parmi les ruelles purent apercevoir une jeune fille galopant comme un animal, avec un air de sauvagerie qui faisait pâlir n'importe quel homme endurcit. Personne ne se mit en travers de sa route.
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Ven 27 Jan - 21:39 | |
| Vayn attendait depuis plusieurs heures dans un coin de la grande salle commune de l’auberge. Là, il luttait farouchement contre le sommeil. Un pense-route est fier. Un pense-route est orgueilleux. Et par-dessus tout, pense-route est une vocation, la vocation de ceux qui aiment penser. Non pas penser pour le plaisir égocentrique de jouer avec des idées, non pas pour se complaire dans la définition arbitraire de concepts abstraits tels que peuvent l’être l’amour, la confiance ou la haine, non pas penser pour le goût, tant délicat que délectable, de la manipulation intellectuelle des masses et les jeux d’esprits… un pense-route est un pense-route parce qu’il pense et cherche aussi naturellement qu’il respire. Et en cet instant tardif, Vayn pensait et cherchait avec ardeur, appuyé sur un accoudoir. Dans sa tête, il tournait et retournait des idées, des souvenirs, des savoirs, cherchait des relations, mettait en corrélation, émettait des hypothèses, calculait des cycles lunaires, bref, il pensait, au sens pense-route du terme.
En effet, quelque chose l’avait intrigué durant l’après-midi.
Des morts, il en avait soupé déjà. Mais jamais des morts qui sourient sans avoir pu délivrer la fin d’un message. Ceux qui n’y parvenaient pas avaient cet air glauque de ceux qui ont échoués. Lui, cet homme étrange vêtu de cuir noir et maquillé comme un bouffon des villes, avait… sourit.
« Aurore déverse En ». Ces mots tournaient dans sa tête. Un mort qui sourit, un message partiel, un mot inachevé, et pour Enora un « destin » qui s’accomplira bientôt.
Pour un être normal, qui souhaite toujours se fonder sur la logique pure, la théorie de Vayn aurait été pur délire. Mais pour lui, les hasards n’existaient tout bonnement pas, et il en avait suffisamment appris sur l’histoire officielle et l’histoire cachée du monde pour affirmer que certains évènements anodins peuvent être liés de biens des façons. Ainsi, quand un simple gens n’y verrait rien, Vayn voyait un lien entre la mention de l’aurore par un mourant et la mention de destin proche de sa compagne. Une page de l’histoire se tournerait demain, pour elle en tout cas. A l’aurore ? Avant l’aurore ? En tout cas, pendant l’aurore, ou à un moment très proche, se déverserait quelque chose.
« En », qui selon certains mythes des anciennes langues pourrait être Engel. BlutEngel, ou encore Blue Angel dans cette langue morte qu’il affectionnait tant. L’Ange Bleu, ou l’Ange d’Azur. Selon la légende, et malgré ce nom rayonnant de belles promesses, le BlutEngel est un être venu du fond des âges pour s’attaquer à l’humanité. Un être surpuissant, tirant ses pouvoirs de la lumière du ciel, et apparaissant au monde pendant l’aurore. C’était plus de coïncidences qu’il n’en fallait pour le pense-route qu’il était. Un enquêteur historique, comme il s’était lui-même présenté à Enora durant l’après-midi.
Ainsi, si le rôle de cette jeune femme, peut-être sans même qu’elle le sache, soit de combattre, ou d’empêcher l’apparition du BlutEngel durant notre ère, il vaudrait mieux qu’il soit là pour lui prêter main forte ! Oui, sa participation au grand Destin dont elle lui avait parlé, c’était maintenant. Le BlutEngel arriverait dans quelques heures, et il serait là pour l’en empêcher !
… Comment ?
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Sam 28 Jan - 10:37 | |
| Mais il n’eut pas le temps d’y réfléchir. Déjà, Enora descendant les lourdes marches menant à la grande salle. Il devait être quatre ou cinq heures du matin et l’aurore devait être proche, comme Vayn l’avait soupçonné.
Il s’apprêtait à appeler sa compagne d’aventure lorsqu’il comprit clairement qu’elle ne voulait pas être suivie. Elle avait descendu les escaliers sans un bruit, comme une ombre. Il ne l’avait pas entendu toquer à sa porte pour le réveiller, et elle se glissait prestement entre les tables vers la porte, afin de quitter l’endroit au plus vite, et seule, drapée d’une cape à capuche sombre qui devait se fondre aisément dans les teintes de la nuit.
Peut-être son destin était-il d’empêcher seule l’arrivée de ce monstre ?
Ici, la logique aurait exigée qu’il la laisse filer et affronter le danger. Si c’était le destin, et bien elle y arriverait bien toute seule. Mais le destin, c’était aussi sacrément capricieux des fois ! On ne comptait plus le nombre de destins tragiques dans l’histoire qui finissaient misérablement parce que le protagoniste, jugé ou autoproclamé « élu de telle ou telle prophétie », se faisait ratatiné à la fin. Et pourquoi ? Parce que celui-ci s’imaginait être protégé d’une quelconque manière.
Vayn décida donc de la suivre, discrètement. Parce que non, il ne laisserait pas un malheur se produire par excès de confiance. Une fois de plus, la connaissance de l’histoire était de son côté. De plus, il serait bien heureux de se faire le sauveur de la sensiblâme, ne serait-ce que pour pavoiser ensuite et lui rappeler indéfiniment qu’elle lui doit une fière chandelle. Oui, l’idée semblait bonne, et il décida donc de rester en retrait, la suivant bientôt dans les méandres de la ville.
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- Mais où va-t-elle, à la fin ? songea Vayn. Et pourquoi tant de précautions ? Est-ce l’appel de son fameux destin ? Doit-elle le faire seule au point de se cacher ainsi dans chaque ombre pour avancer ? N’est-il pas injuste de la suivre ainsi, comme si ce n’était qu’une vulgaire voleuse, elle, dont la bonne foi ne devait pourtant faire aucun doute ?
Vayn n’arrêtait pas de se poser des questions et il s’en voulait de mettre ainsi en doute son compagnon de route. Malgré tout, il continua sa filature, la suivant de coin de rue en coin de rue, poussé par une curiosité propre à sa vocation.
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Eosine et Mia avançaient ensemble dans la nuit. Mia avait repéré plusieurs tavernes qui avaient chacun l’air convenable pour des filles de leur âge et relativement bien entretenu pour l’argent qu’elles transportaient chacune dans leurs petites bourses. Mais son amie avait refusé chaque endroit avec force.
- Ce n’est pas ici que nous allons, déclarait-elle, inexorablement, sur un ton un peu mystérieux et qui ne souffrait aucune réponse.
La confiance que portait Mia à Eo’ était grande. Après tout, c’était la seule véritable amie qu’elle ait jamais eu au village. Alors elle ne disait rien, acceptait le choix de son amie, et elles poursuivaient leur bonhomme de chemin, sans trop regarder où elles allaient. Sans vraiment s’en rendre compte, Eosine menait la marche. Et ainsi, dans l’insouciance visiblement totale de Mia, les deux jeunes filles se dirigeaient vers le lieu de la réunion.
Mais la réalité du monde ne se cantonne pas à ce qui est visible, tout bon folâme qui soit devrait le savoir mieux qui quiconque. Et comme un bon folâme est un folâme tout court, tout folâme tout court devrait savoir mieux que quiconque ce que bon folâme sait, à savoir que le visible n’est qu’une partie de la réalité. Ainsi donc, peut-être était-ce ces nombreuses années passées au contact direct des humains qui avait émoussé les sens et la lucidité d’Eosine, car elle ne remarqua aucunement le trouble naissant de son amie, et paradoxalement marionnette.
Mia voyait-ressentait certaines choses. Parmi ces choses, il y avait le souffle du vent sur son visage, frais et agréable en dépit de la nuit un peu trop fraîche à son goût, la présence d’un homme ivre-mort, par terre, trois rues plus loin, sur la droite, allongé à côté d’un chien endormit, et le mensonge de sa sœur de coeur, qu’elle ne reconnaissait qu’à peine.
Depuis qu’elle l’avait retrouvé à l’entrée de la ville, celle-ci s’était comportée de manière étrange. Son refus de s’installer dans les tavernes ou les auberges, ses quelques phrases mystérieuses au sens caché comme « ce n’est pas ici que nous allons » au lieu de dire simplement « cette auberge ne me plait pas ». Il y avait aussi le fait, plus que troublant, qu’elle semblait vraiment bien connaître chaque coin de rue de cette cité dont elle ne devrait pourtant rien connaître. Elle devrait être intimidée aussi, comme elle, de découvrir un si grand rassemblement d’êtres humains, après avoir passé des années dans ce petit village perdu en forêt. Son empressement aussi ne correspondait pas à la réaction qu’aurait normalement la Eosine qu’elle connaissait. On dirait qu’elle était excitée, pressée, anxieuse. Et avec tout cela, Mia devait se rendre à l’évidence, elle sentait-voyait ce nuage, celui qui entoure chaque être vivant. Ce nuage, si familier à Mia pour l’avoir vu tous les jours pendant des années, avait changé. Trop changé en trop peu de temps pour ne rien cacher. Et sa nouvelle teinte aussi, cela lui parlait comme s’il signifiait le mot « mensonge ». Entre autres. Il y avait tant de nuances. Mais toutes ces couleurs lui parlaient aussi clairement que si son âme lui parlait à elle !
Malgré tout cela, Eosine était son amie d’enfance, et elle se refusait à nier cela. Combien de fois s’étaient-elles faite confiance afin de se protéger ? Non. Elle ne devait pas, elle ne pouvait pas briser ce lien d’amitié si fort qu’elles cultivaient tous les deux depuis si longtemps. Si Eosine avait un secret à lui révéler, alors elle le ferait à temps.
- Mia… fit Eosine, s’arrêtant soudain, la coupant dans ses pensées. - Oui ? - Nous sommes bientôt arrivées. - Où ça ? demanda-t-elle, s’appliquant à ne pas laisser trembler sa voix, se refusant à trahir le moindre soupçon de doute qu’elle nourrissait à l’égard de son amie.
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Dim 29 Jan - 0:08 | |
| Laélia sentait bien que quelque chose était différent en elle depuis son agression. Que quelque chose avait cédé, comme un barrage qui aurait libérer un torrent de brutalité. Jamais elle n’avait agi avec la fureur dont elle avait fait preuve. Jamais dans sa vie ce n’était arrivé. Et là, alors qu’elle marchait sans trop savoir où ni pourquoi, un nouveau quelque chose avait explosé soudainement. Comme si une volonté extérieure voulait la rendre malade. Et alors elle vit ce qu’elle ne pouvait croire. Un filin argenté partait de son corps et semblait la tirer vers l’avant ! Lentement, elle suivit cette chose des yeux, et leva la tête pour voir la direction qu’elle prenait.
Pour Isil, c’était inévitable. A trop presser sur elle, son esprit avait abdiqué. Et maintenant, la barrière avait totalement cédée, sans espoir de se reconstruire un jour. L’état de la jeune femme était dorénavant permanent. Un monstre parmi les siens.
Si un être humain devait être privé de la barrière de la conscience, c’est-à-dire de ce qui le rend humain, alors il retournera partiellement au stade de l’animal, tout en conservant les acquis de l’éducation. Ainsi, par exemple, sa force semblerait décuplée en situation de survie, sa capacité à se prendre soi-même comme objet serait grandement diminuée selon la situation, mais pas impossible, car tout s’inculque, même le retour sur soi. De même, son sens de l’empathie serait bien plus développé, tout en étant atrophié dans certains cas. Il serait spécialisé : au meilleur de son potentiel dans une situation de sûreté, et réduit à néant en situation de survie. De plus, son sixième sens sera décuplé, ce que les humains appellent l’intuition, et ce dont les animaux bénéficient naturellement depuis la naissance. Comme un chat qui semble observer un objet visible uniquement par ses yeux, comme un chien qui tourne subitement là tête, alarmé par un signe inaccessible au sens humain, comme ces hordes d’animaux en tous genres qui fuient sans raisons quelques instants seulement avant qu’une catastrophe ne surgisse. Laélia redécouvrait donc à ce moment ces sens oubliés, en même temps qu’elle découvrait la silhouette de femme flottant dans les airs, le regard rivé sur elle. La sorcière, la manipulatrice, la garce qui devait avoir fait de sa vie un début d’enfer ! L’intuition de Laélia lui criait que c’était de sa faute ! Et alors elle vit ses yeux. La sorcière avait un regard si… fautif ! Si plein d’aveux non dissimulés, de remords, de regrets, de repentir. Si plein de… tristesse ! C’en était presque insupportable, tant de souffrance chez un seul être ! C’était comme si ce simple regard implorait le pardon tout en sachant qu’il n’en avait pas encore fini de sa besogne.
Cette… sorcière. Elle la haïssait profondément. Et elle était profondément touchée par elle. L’absence de barrière sentimentale mêlée à son éducation d’être humain la rendait perplexe et indécise. Son cœur en voulait profondément à cette femme. Son instinct lui hurlait de la suivre. Finalement, elle décida de ne plus penser et d’accepter l’inacceptable. L’instinct était le plus fort.
Pardonne-moi, Laélia. Je sais que toi, tu ne sais pas pour quelles raisons tu me suis. Mais ce quelque chose qui s’est éveillé dorénavant en toi sait, lui, qu’il te faut m’aider. Maintenant, avançons ensemble, et j’espère qu’un jour tu me pardonneras.
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Parfois, sans qu’on sache vraiment pourquoi et contre toute attente, les évènements s’agencent au mieux pour s’harmoniser, presque d’eux-mêmes. Lorsque quelqu’un marche sur le chemin de sa légende personnelle, sur ce chemin qui n’est tracé que pour lui afin qu’il se réalise en tant qu’être humain vivant sur cette terre, il rencontre des obstacles. De nombreux obstacles. Et tant, même, qu’il aura envie de s’arrêter, de laisser tomber, de baisser les bras. Pourtant, s’il continue d’avancer et va outre ces malheurs qui ne sont que des tests successifs mesurant la volonté de chacun de toujours avancer, si donc il marche invariablement dans le sens de sa légende personnelle, alors l’univers tout entier contribuera à sa réussite. Un signe ici, là une main tendue, peut-être la parole hasardeuse d’un inconnu... Toujours, cette personne avancera. Tant que la volonté d’avancer ne la quittera pas.
Laélia avait connu bien des épreuves, et elle ne savait rien de ce que pouvait être une légende personnelle. A vrai dire, elle n’en avait jamais entendu parler. Mais sa légende personnelle prenait un cours intense, comme si son chemin avait été ruisseau et que celui-ci s’était transformé en rapides. Laélia ne savait pas exactement où elle allait, ni pourquoi elle acceptait de suivre ce filin engendré par la femme flottant au-dessus d’elle. Elle savait seulement, au plus profond d’elle-même, que c’était ce qu’elle devait faire. Et que son destin se jouait là !
Ce qu’elle ignorait, et que tous ignoraient encore jusqu’à maintenant, même une maîtresse des arcanes de l’oniromancie telle qu’Isil, la grande disciple de Sénoï, la tribu des rêveurs, c’était que les légendes personnelles de tous nos héros se croiseraient en un même point, dans quelques instants, en un même lieu, à la même heure, pour une terrible confrontation mêlant la légende personnelle de Gaïa elle-même.
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Jeu 2 Fév - 13:17 | |
| Vayn avait suivi la sensiblâme jusqu’à l’entrée d’un cimetière. - Effectivement, songea-t-il, qu’y aurait-il de plus approprié pour la réincarnation d’une créature de cauchemar issue de l’ancien monde qu’un terrain rempli de cadavres ? Il ne pouvait s’empêcher de penser que cette jeune femme, avançant seule vers un destin presque aussi dangereux que la mort elle-même, Enora, était certainement la plus personne la plus courageuse qu’il ait eu l’occasion de rencontrer dans sa vie. Arrivée au niveau de la cabine du veilleur de nuit, elle s’adressa au vieil homme à l’œil mauvais qui gardait les lieux. Et Vayn, caché non loin de là derrière un arbre un peu rabougri mais suffisamment épais pour le cacher à la vue d’Enora, entendit celle-ci prendre la parole. - Bonsoir… Adrien F., fit-elle en lisant le nom inscrit sur la petite plaquette soudée au comptoir. Vous permettez que j’entre ? - Bien sûr, mademoiselle. Et Vayn remarqua aisément la célérité de la réponse et l’absence de réflexion dans la voix. Certainement un nouveau pouvoir des sensiblâme, estima-t-il. C’est tout bonnement prodigieux ! Et à son tour, il décida de se glisser à l’intérieur du cimetière. En revanche, et afin de garder le silence sur sa présence, il décida de s’écarter du chemin et d’escalader la palissade. Son passé de sportif lui fut grandement utile pour se hisser sur ses bras et il loua la force imprévue qu’il avait pu développer pour un corps de son gabarit. Incontestablement, ces années à courir après une balle et à se rentrer dedans à grand coup de plaquages lui avaient été profitables. D’ailleurs, ses plaquages particulièrement lui avaient déjà été salvateurs !
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Isil et Laélia arrivèrent devant un lieu lugubre. Le « cimetière des Pauvres » était bien connu de ses habitants. C’était l’endroit où finissaient, laissés en contact direct avec la terre, les habitants morts ou inconnus qui n’avaient pas eu les moyens, de leur vivant, de s’assurer une sépulture décente. Sa simple évocation en pensée suffit à faire frémir Laélia. C’était un endroit glauque, mal entretenu, qui sentait la malveillance. Les arbres y poussaient de travers et avaient cet air maladif caractéristique de la présence d’une grande quantité d’eau sous leur racine. C’était bien connu des campagnard, et trop souvent inconnu des citadins. De même, installer sa bâtisse au-dessus d’une rivière souterraine ou d’un poche d’eau stagnante était le meilleur moyen de vous assurer cauchemars, irritabilité, voire même paranoïa. Voila pourquoi Laélia n’aimait pas cet endroit. Isil non plus n’appréciait pas ce qu’elle voyait, mais pour une toute autre raison. Au cœur de ce cimetière sordide se trouvait le tombeau de Capharnaüm, là où avait été enterré le reste de la dépouille d’un homme mal connu du public mais ayant certains attraits pour les savoirs interdits. Il avait demandé à être enterré dans un tombeau en plein centre du cimetière des Pauvres, ce qui était insolite. Il y a trois siècles, il périt et son cercueil fut entreposé là, avec des ossements étranges. C’était son droit, et il avait payé pour se l’assurer. Tous les éléments était présent pour permettre la renaissance du grand Désordre, l’ange bleu du chaos, le capharnaüm BlutEngel.
Laélia avait implicitement accepté de suivre Isil coûte que coûte. Sa barrière de conscience brisée, celle-ci ne fonctionnait presque qu’à l’instinct et « savait » qu’il était préférable de suivre la rêveuse plutôt que de chercher à lui nuire. Elle ressentit alors l’empressement de celle qui la guidait. A coup sûr, elle avait repéré quelque chose qui ne lui avait pas plus et la force avec laquelle elle entrainait Laélia fit comprendre à la jeune femme que le temps était compté. Aussi, elle ne lutta pas contre cette force représentée par un filin blanc et se précipita dans la direction demandé. Elle pourrait m’expliquer au moins. Alors la voix résonna dans sa tête. Et sans qu’elle vienne d’une direction particulière, Laélia sut que c’tait celle de la sorcière flottant au-dessus d’elle. - Bonsoir Laélia. Je m’appelle Isil, et je suis une rêveuse. Tu peux me parler dans ta tête et je t’entendrai. Sais-tu ce qu’est une rêveuse ? - Oui. Les médecins des rêves. - C’est en partie exact. Continue à courir s’il-te-plait. Les rêveurs sont des médecins des rêves, mais leurs pouvoirs ne s’arrêtent pas ici. Ils sont capables de biens des prodiges et de bien des maux. Comme tu as pu le constater à tes dépends. Laélia ne répondit pas. - Dans mon cas, je donne ma vie - et je donne la tienne, pardonne-moi un jour – pour empêcher une créature de revenir sur cette terre et de semer le chaos. Comprends-tu ton rôle dans les évènements ? - Vous vous servez de moi pour affronter un monstre et vous restez à l’abri dans les airs. - … Ce n’est pas totalement faux. Ma tâche ne s’arrête pas à empêcher ce monstre de revenir à la vie. Je dois encore affronter beaucoup de dangers, et c’est malheureusement pour cela que je ne peux risquer ma propre vie. En revanche, je peux libérer ton corps d’une partie de son humanité, te permettant d’accéder à des ressources que tu n’imaginais même pas. Tu es plus puissante, plus vive, et plus résistante que n’importe quel être humain arpentant Gaïa. - Gaïa ? - La Terre-Mère. Ecoute-moi maintenant. Tu ne pourras jamais combattre cette chose. Et avec de la chance, tu n’auras pas à le faire mais simplement à empêcher un drame de se produire. - Pourquoi suis-je plus forte ? - Parce que tu n’as plus de limite. Tu ne te limites plus, toi-même, et utilises donc la totalité des ressources dont dispose ton corps. Et comme tout être humain, elles sont énormes. Mais le temps presse bien trop pour continuer à parler. Es-tu prête à suivre mes conseils, Laélia ? L’avenir de cette ville, de ses habitants et peut-être de millions d’autres, est menacée. - Guide-moi !
***
Mia se sentait sereine. Son inquiétude était passée. N’y tenant plus, elle avait arrêté son amie de toujours quelques minutes plus tôt et lui avait demandé de s’expliquer. Etrangement, le récit d’Eosine, pour incroyable qu’il semblait être, n’avait pas déranger la jeune fille. Après tout, elle-même bénéficiait de certaines facultés qu’elle ne comprenait pas. Mais surtout, elle avait toujours su, au plus profond d’elle, que son amie était différente, elle aussi. Et lorsque celle-ci lui avait révéler qu’elle connaissait son secret et que celui-ci portait un nom, Mia n’avait plus douté. Elle était donc ce que les initiés appelaient une sensiblâme, une femme doté d’un don inné pour ressentir l’énergie de Gaïa parcourant tous les êtres vivants à sa surface. Elle voyait l’invisible, les couleurs des hommes et la chaleur de leur vie. Elle pressentait leurs pensées et leurs actes futurs. Eosine avait insisté sur deux points : - Mia, tu as la capacité, en tant que sensiblâme, de te couper de Gaïa, la Terre-Mère, et de son cycle d’énergie. Car, dans une certaine mesure, tu peux manipuler ton aura. - Qu’est-ce que ça signifie ? - Que tu peux cacher tes desseins à la face du monde, et principalement aux autres sensiblâmes. Si tes intentions sont ambigües ou malveillantes par exemple, rien ne t’empêcherait de passer pour une sainte, car toutes les sensiblâmes initiées cachent leur aura. - Pourquoi me dis-tu ça, Eosine ? - Premièrement, Eosine n’es pas mon véritable prénom. J’ai une autre révélation à te faire sur moi. Je suis une folâme, un être fait d’aura pur existant depuis des millénaires. - Des millénaires ? - J’ai assisté à la naissance de l’humanité, Mia. Et j’ai élevé tes ancêtres sur deux jambes, lorsqu’ils marchaient à quatre pattes. La révélation avait été un choc lorsque la sensiblâme avait entendu cela. Mais Eosine ne lui avait pas laissé le temps de prendre pleinement conscience de ce que cette information impliquait, car elle reprit sans s’arrêter. - Mia. Je suis éternelle, mais mon pouvoir ne me permet pas de combattre ce qui va se produire. Nous sommes plusieurs à avoir agencé de nombreux évènements depuis de nombreuses années pour que certains individus se trouvent ce soir, au même endroit et au même moment. Il n’y a pas de hasard dans tout cela. Dis-toi bien que l’avenir de l’humanité est en jeu. Tout le travail que nous avons produit, nous, les folâmes, pour servir et élever l’humanité jusque là où elle se trouve actuellement, et cela dans un dessein qui nous surpasse tous, le dessein secret de Gaïa elle-même, la conscience-mère. Tout cela risque de disparaître ce soir, son destin sera scellé dans les instants qui vont suivre. Et tu as ta part dans tout cela. Maintenant prend bien conscience de ma question, car sans ton accord le plus total, nous ne ferons rien. Es-tu prête à m’écouter et à me suivre jusqu’à la fin ? Mia réfléchit un instant. Puis son regard perça dans celui sans âge de Mnémosyne avec cet air déterminé qui avait toujours fait frémir ses parents et ne souffrait aucune discussion quant à sa décision. - Oui !
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Sam 4 Fév - 11:47 | |
| Enora aurait pu croiser des démonistes dans cet endroit lugubre. Mais non. Le pense-route avait repéré plusieurs groupes à quelque distance d’elle, mais ils s’étaient tous retirés, comme mus par le pouvoir de la sensiblâme. Vayn était vraiment impressionné et commençait à croire que cette nana-là pourrait combattre le BlutEngel. Néanmoins, ce n’était pas une raison pour rebrousser chemin. Déjà, parce qu’il préférait garder un œil sur la belle de ses jours. Ensuite parce que, peut-être, son aide serait providentielle à la dame. Enfin parce qu’il tenait là un nouveau conte, tout neuf, prodigieux, et qu’il serait respecté pour cette histoire. Et oui, l’appât d’une bonne histoire véridique, pour un pense-route, est comme celle de l’or pour un politicien.
Il ne fut plus surpris de la voir entrer dans un tombeau, le seul à vrai dire. Il était à l’image du cimetière, lugubre. A peine eut-elle disparue dans la construction mortuaire que Vayn partit en « sprint », ce vieux mot utilisé autrefois et qui signifiait alors « courir extrêmement vite sur une courte distance ». Dans sa course, il attrapa une petite branche et la jeta pour bloquer la porte avant sa fermeture. Le bois mort tint assez longtemps pour qu’il pénètre à son tour dans le tombeau, sans un souffle.
Il descendit marche après marche l’escalier qui le mènerait au le lieu sacrilège où un monstre de l’ancien temps allait renaître pour dévorer le monde. A quelques marches de l’étage inférieur, il entendit ce qu’il n’avait pu imaginer. Une voix sortit d’outre-tombe, caverneuse, pleine de sourdes menaces, écorchée, qui psalmodiait une incantation barbare dans une langue oubliée des humains.
« Hikaru daichi ni tachi Towa no batoru chikau Egao choppiri namida Minna wasurenai yo
Omoi wa kyori wo tobikoe Ima kimi ni todoku kitto
Oh yeah !! GANGAN susume kaze kitte GANGAN iku ze saigo made Kanzen, nenshou; YES, I'm OK »
La voix continuait son étrange litanie, mais Vayn savait déjà de quoi il s’agissait. C’était un récit invocateur de monstre, ni plus ni moins. On dirait que Enora était arrivée juste à temps pour empêcher le démoniste de rappeler l’Ange bleu à la vie… En bon pense-route, Vayn décida de glisser un regard rapide vers celui qui voulait provoquer la fin du monde. Et ce qu’il vit le glaça d’effroi.
***
Laélia traversait le cimetière en une course effrénée. Car selon Isil, l’incantation avait commencée. Des groupes de jeunes gens, sans doute adorateurs du BlutEngel sans trop savoir quels malheurs portait le démon, sortaient de partout et se mettaient en travers de sa route. Mais rien ne l’arrêtait. Elle fonçait à toute allure et défonçait tout ce qui restait sur sa route. Il y eut ainsi de nombreux hématomes, de fractures et de pertes de connaissance.
Rapidement, elle arriva au niveau du tombeau de Capharnaüm. Si Vayn avait courut comme un loup, Laélia était un bison furieux et implacable. La voix d’Isil retentit dans sa tête.
- La porte a été refermée magiquement aux êtres humains. Elle ne peut s’ouvrir qu’avec une clé ou par la magie d’une autre sensiblâme. Heureusement nous en avons une qui devrait bientôt…
BAM !
Laélia ne s’était pas arrêtée. Elle défonça la porte avec un coup d’épaule féroce qui la fit sortir de ses gonds, broyant le loqueteau, et la fracassa contre le mur intérieur. Quand Laélia se recula, légèrement secouée par le choc, la porte resta encastrée dans la pierre. Une seconde plus tard, la jeune femme qui n’était plus à proprement parlé un « être humain » se jeta dans les escaliers. Son rôle serait peut-être de mourir, l’humanité avait peut-être ses vices, mais elle l’aimait et se battrait pour elle. Jusqu’au bout !
***
Mia et Eosine couraient à travers les allées du cimetière. Ils croisèrent de nombreux individus louches, mais bizarrement, aucun ne sembla vouloir se mettre en travers de leur chemin. Eosine remarqua que beaucoup se massaient douloureusement une partie du corps. Mia ressentit qu’ils avaient reçu un véritable choc psychologique, quelque chose d’inattendu et de brutal, sans quoi ils se seraient jetés sur elles.
***
Laélia arriva dans la salle centrale. Pas la peine d’attendre les instructions d’Isil, son rôle ici lui sautait aux yeux. Elle serait le bouclier furieux de ceux qui pouvaient rebouter le monstre dans sa cage millénaire.
Un homme était suspendu au-dessus du sol par un être aux traits sombres et certainement plus tout à fait humain. Son regard était pure volonté de destruction et de carnage. Seul son corps semblait encore appartenir à ce monde. Pourtant, Laélia y voyait comme une forme malveillante derrière elle. Car oui, c’était une femme. Une femme qui ne regardait plus l’homme qu’elle s’apprêtait à détruire. Une femme qui ne regardait pas davantage la femme survenue comme une furie dans le tombeau. Une femme qui jetait son regard malveillant sur le seul être qu’elle n’aurait pas du pouvoir voir. Alors, la femme crache :
- Isil, j’aurai du m’en douter !
Et la voix d’Isil répondit simplement, avec toute la tristesse du monde dans sa voix :
- Enora, mon amie…
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Dim 5 Fév - 13:49 | |
| Pré-scriptum : J'espère que tout ceci n'est pas trop long et ne fatigue pas votre soif de lecture et d'aventure. Je ne sais pas faire court, et si cela peut vous rassurer, si c'est pour vous difficile de lire, il est au moins tout aussi dur pour vous de vous écrire ce récit que je vous dédie. Merci donc à ceux qui lisent et qui commentent tous les jours. PS : ça fait un peu grandiloquent, mais étant la nouvelle que j'ai eu le plus de difficultés à écrire, je suis vraiment très content d'avoir des lecteurs !
***
Laélia savait ce qu’elle devait faire.
Profitant que l’attention de la sorcière était accaparée par Isil, elle se propulsa littéralement en avant et arracha l’homme de l’étreinte mortelle. Ils retombèrent tous les deux contre le mur, Laélia pivotant instinctivement pour recevoir le choc contre la pierre, protégeant ainsi celui qu’elle venait de sauver.
- Merci ! lâcha-t-il par réflexe.
L’homme paraissait choqué. Manifestement, il n’arrivait pas à croire ce qu’il se passait sous ses yeux. Il tourna la tête vers la femme sauvage et celle-ci lut dans ses yeux et dans son corps un léger recul. Oui, cette jeune femme dégageait une puissance animale qui faisait presque froid dans le dos. La faible part d’instinct subsistant dans chaque individu civilisé suffisait à ce que tous prennent pleinement conscience du danger potentiel qu’elle représentait. Pourtant il fit un effort pour celle qui l’avait sauvé.
- Je m’appelle Vayn. Et ça, c’est Enora. Enfin c’était. - Peu importe, il faut l’empêcher de réveiller le BlutEngel. Moi j’agis, toi tu réfléchis ! - Le BlutEngel renaîtra ! cria la voix anormalement modifiée d’Enora, comme si le démon l’habitait déjà.
Les traits d’Enora semblaient tirés à l’extrême à présent. Son souffle était rauque et saccadé. Sa peau semblait tannée comme du cuir et elle semblait grandie. Son menton, légèrement baissé sur son cou, rendait son attitude encore plus menaçante, et dans son regard semblaient danser des éclairs. Elle leva alors son bras droit et ce que vit Vayn à ce moment-là, il ne le croyait possible que dans les récit des temps passés, lorsque la magie élémentaire n’était pas encore scellée !
Des langues de feu s’extirpèrent des doigts d’Enora, se joignant les uns aux autres pour former un unique élément. Alors, comme on frapperait dans un sac de sable, la sorcière projeta un cylindre enflammé droit sur Vayn et Laélia. La femme sauvage attrapa alors l’homme par les habits et le jeta sur le côté. Puis, avec une rapidité surnaturelle, elle-même esquiva le rayon mortel et sautant sur le côté.
Entre eux deux, le mur de pierre était roussi et légèrement creusé. Laélia se jeta sur son adversaire. Le lion pris au piège est dix fois plus dangereux que le lion qui chasse !
- Et maintenant réfléchis, l’intello ! lança-t-elle dans sa course. - Réfléchis ! Réfléchis ! Mais réfléchir à quoi ?
Sans se soucier davantage de celui qui, selon Isil, devait trouver la réponse, Laélia fonça sur la sorcière jusqu’à l’impact et l’entraina avec elle. Cette fois, ce ne serait pas elle qui prendrait le mur mais son adversaire.
Vayn était paumé. Il n’y avait pas d’autre mot. A quoi devait-il réfléchir ? Alors, allant de surprise en surprise, une femme apparut, flottant dans les airs.
- Bonjour, Vayn. Je suis Isil. Et si je ne peux pas être là physiquement, je peux vous aider par ma présence.
L’homme était paralysé et bouche bée. De toute façon, l’apparition ne lui laissa pas le temps de répliquer et continua.
- Tu es un pense-route. Tu connais les mythes, les légendes, les contes, et les récits des anciens temps. Le BlutEngel a déjà retrouvé la vie par le passé. Il peut donc, si ce n’est être vaincu, être enfermé à nouveau. Tu peux… Tu dois faire quelque chose. Réfléchis, pense-route ! La clé qui sauvera l’humanité est forcément quelque part dans ton esprit. Je vais t’aider de la seule manière qu’il me soit possible d’agir en ta faveur. Maintenant pense-route, cherche !
D’un coup, Vayn se sentit transformé. Son cerveau entrait en pleine effervescence. Il avait l’impression que ses neurones pétillaient et sautaient dans tous les sens, impatients d’être mis à contribution ! C’était douloureux autant que grisant et il rit malgré lui. Nerveusement. Une telle activité mentale, pour un pense-route, était le summum de l’extase ! Plus prenant que la lecture, plus captivant que l’écriture, mieux que le sexe, l’acte de plaisir le plus proche de l’état brut. En l’espace de quelques secondes, il avait opéré des recoupements historiques et mathématiques qui retraçaient plus de cinq cents ans d’histoire. Il avait largement dépassé ses basses considérations sur le plaisir physique et intellectuel. Le temps avançant pour tout individu au rythme de la pensée, il s'écoulait pour lui au ralenti. Toutes ses perceptions, en tant que message neuronale reçu par son cerveau et transformé en information, étaient accrues et accélérées. Dans cet état de conscience et d’activité, et selon sa propre perception, le combat auquel se livraient les deux femmes était un assaut d’escargots. Mais lui-même, lorsqu’il cligna des yeux, comprit qu’il en était de même de sa personne. Le monde entier, pour lui, tournait au ralenti, alors que sa pensée tournait à vitesse grand V.
- Et maintenant, s’entendit-il dire cent fois plus lentement que ne l’avait déjà répétée sa pensée, réfléchis plus loin !
Et déjà il parcourait les mythes et légendes du dernier millénaire. Puis des derniers millénaires, espérant trouver dans les multiples classeurs mentaux oubliés de son cerveau l’information qui les sauveraient tous.
De leurs côtés, Enora et Laélia se battaient comme des tigresses. Enora continuait sa transformation et il ne faisait plus aucun doute que son corps disparaitrait dans quelques minutes, avalé par la puissance sombre qui, comme un nuage doté de conscience, entourait davantage la jeune femme. Laélia, qui avait le dessus au début, se retrouvait à présent face à une créature trop forte pour elle dont la puissance était phénoménale. Heureusement, elle gardait encore l’avantage de la vitesse et de l’instinct. Ainsi parvenait-elle tant bien que mal à poursuivre le combat.
Elle parvint à griffer Enora au ventre, lacérant du même coup les habits de la jeune femme et sa peau dure comme du cuir. Malheureusement, la femme blessée contre-attaqua immédiatement avec un poing d’énergie pure qui frappa Laélia sur presque toute la surface du corps, comme si un mur avait foncé droit sur elle, et elle partit s’écraser là où la pierre était déjà roussie.
Son ennuyante et imprévue ennemie sonnée pour quelques secondes, Enora-BlutEngel reporta son attention une seconde vers Isil…
- Tes pantins ridicules ne m’empêcheront pas de renaître, fragile petite femelle !
… puis vers Vayn.
- Et toi, tu vas y passer en premier.
L’instant d’après, elle réapparut face au pense-route accaparé par ses pensées et le saisit une fois de plus à la gorge. Serrant sa prise pour l’asphyxier lentement...
Et le relâcha une fois de plus. Ses yeux s’arrondirent comme ceux qu’un chat effrayé.
- Impossible… Encore TOI ?! dit-elle en se retournant.
Eosine était dans la petite salle du tombeau et faisait dorénavant face à Enora-BlutEngel, qu'elle avait déjà rencontrée il y a quelques millénaires de cela. A l'époque, elle avait été détruite et les humains avaient trouvés seuls le moyen de renvoyer le démon dans les Ombres, sacrifiant leurs vies pour cela, et laissant Eosine seule, ne sachant pas comment vaincre le BlutEngel s'il devait réapparaître un jour. Comme aujourd'hui.
La folâme ne laissa pas passer sa chance et profita de l’effet de surprise. Même si son acte serait vain, il permettrait de gagner quelques précieuses secondes, une minute peut-être, et donnerait ainsi plus de chance à l’avenir du monde.
Sans attendre, elle courut vers le démon et se jeta dans ses bras, l’enlaçant avec toute la force dont elle était capable dans ce corps si jeune. Et tenta l’impossible.
Prise de court, Enora-BlutEngel ne réagit pas tout de suite, et Eosine, la folâme, avait déjà commencé son œuvre de sape. Quittant progressivement son corps humain, elle tentait de s’insérer dans celui d’Enora afin de ralentir la transformation de la jeune sensiblâme. Ainsi collée à l'ennemie, elle s’adressa à la part d’humanité qui restait vivante.
- Enora ! On ne se connait pas mais je sais qui tu es, toi, la sensiblâme qui a pleurée mon frère Eofol. Sache qu’il est toujours en vie. Mais toi, si tu ne te défends plus, ton corps périra et ton âme disparaîtra avec lui ! Bats-toi Enora !!
Alors Vayn comprit qu’il venait de recevoir une nouvelle donnée de référence dans son paradigme. Enora n’était pas le BlutEngel. Le BlutEngel « absorbait » Enora et l’avait probablement choisie pour servir d’hôte. Il fallait certainement une sensiblâme en particulier, ou bien un humain ayant des talents « magiques » pour l’invoquer. Enora aurait-elle été manipulée, hypnotisée ?
Il ouvrit de grands yeux, et une fois de plus, sa bouche se relâcha lentement en même temps qu’il reliait les derniers éléments. Pas possible !
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Dim 5 Fév - 16:03 | |
| Vayn courut se placer face à Enora, qui n’avait désormais presque plus rien d’humain. Des ailes recouvertes d’écailles bleues presque translucides poussaient dans son dos. Son visage s’était allongé, comme son corps. Elle semblait gagner en majesté. On aurait dit la naissance du cavalier de l’Apocalypse, merveilleux et mortel. Collée à elle, une jeune fille. Entre elles, une lumière verte orangée qui brillait puissamment et donnait l’impression de grandement gêner l’être démoniaque. Alors Vayn appela. Mettant tout son cœur dans ce simple mot :
- Enora !
Le BlutEngel releva la tête, réagissant à ce nom comme s’il éveillait un souvenir profond, et ses yeux reprirent, l’espace d’un instant si court que tout autre être humain n’aurait pu le déceler, la teinte de la sensiblâme. Seules ses facultés nouvelles lui permirent de vérifier sa théorie.
Enora avait été la victime, et non l’inspiratrice, de ce qui se déroulait sous leurs yeux. Il savait donc ce qu’il fallait faire et quitta le tombeau sans plus tarder.
- Défends-toi mais ne la blesse pas ! cria-t-il à l’intention de Laélia, dont il ne connaissait même pas le nom.
***
Mia déboulait à son tour dans l’escalier en colimaçon à la suite d’Eosine et percuta un homme. Elle voulut se débattre face à cette agression car l’homme lui agrippa les poignées. Elle allait mobiliser son pouvoir contre lui lorsqu’il lui adressa la parole.
- Arrête ! Tu es une sensiblâme ? fit l’inconnu. - Co… Comment le sais-tu ?
L’homme parlait très vite, comme sous le coup d’une intense activité mentale, remarqua Mia, qui ressentait ce genre de choses. Autour de lui, l’aura était bercée par une seconde, bien plus puissante. Ce devait être elle qui augmentait la célérité de ses pensées. Cependant, quelque chose clochait.
- Pas le temps pour ça, lança l’homme. Tout va bien se passer si tu es là aussi. La jeune femme va te protéger….
- Eosine ? coupa-t-elle. - Je ne sais pas qui est Eosine. Celle qui est sauvage ! - Quoi ? - Pas le temps ! Tu descends, et tu fais ton boulot, d’accord ? - Mais je ne sais pas quoi faire, le pense-route devait me l’expliquer. - Et merde, lâcha Vayn qui n’avait plus de temps à perdre. Ecoute-moi bien, tu vas devoir ce que seule peut faire une sensiblâme. - Aimer ?
Vayn ne prit pas la peine de lui répondre et continua son explication.
***
Quelques instants plus tard, il courait à travers l’allée principale du cimetière.
Je dois y arriver avant l’aurore. Avant l’aurore ! Avant l’aurore ! Avant l’aurore !
Ces mêmes mots martelaient son crâne maintenant qu’il savait ce qui devait être fait. Mais le ciel prenait déjà la teinte du matin derrière lui. Il ne restait certainement que quelques minutes avant que le soleil ne laisse échapper ses premiers rayons sur le monde, faisant ainsi naître l’Aurore nouvelle qui déchirerait le monde.
Dans sa course, il bouscula plusieurs personnes, s’écorcha contre les branches de quelques arbres morts et chuta en se prenant le pied dans une racine noueuse dépassant du sol. Il roula sur plus d’un mètre et se releva sans même s’arrêter…
Puis chuta encore.
Une mauvaise chute arrive toujours aux moments les plus inopportuns. Et chacun sait à présent que lorsqu’on est sur la route de sa légende personnelle, tel que l’était ce soir Vayn, l’univers tout entier conspire à notre réussite. Pourtant, avant cela, chaque individu rencontrera de multiples épreuves qu’il lui faudra affronter et vaincre afin de prouver sa volonté véritable. Et en cet instant, Vayn était testé à son tour.
La cheville était méchamment foulée. Son esprit était déjà arrivé à destination, mais son corps, cent fois trop lent pour lui, refusait d’obéir à ses sollicitations.
- Merde ! hurla-t-il, injuriant le ciel de cette malchance.
Mais il continua sa marche, malgré la douleur, malgré l’absence de temps pour se confectionner une canne de fortune, il avançait et ses larmes, que d’aucun aurait pu croire de douleur, étaient en fait des larmes de rage. Rage envers lui-même. Rage envers l’histoire qui avait si bien dissimulé les informations dans les légendes. Rage envers le destin et la malchance qui semblait œuvrer de concert contre lui.
Il chuta encore.
- Mais non ! cria-t-il de frustration.
Pourquoi ? Pourquoi ne pouvait-il arriver à destination ? Pourquoi donc l’univers conspirait-il contre lui ? Etait-il devenu paranoïaque ? Etait-ce ça, le destin de l’humanité ? De mourir des mains d’un démon, détruite car emplie de vices ? Etait-ce un châtiment divin envoyé par une force qui les surpassait tous ? Etait-ce lui, qui n’était pas de taille ? Devait-il abandonner…
***
Mia était dans la salle du tombeau. Eosine, son amie de toujours, était inanimée sur le sol. Une sorte d’ange, dont le corps était recouvert d’une peau épaisse bleue sombre, avec des ailes magnifiques d’un bleu d’azur, trônait majestueusement au-dessus d’elle. La créature flottait légèrement au-dessus du sol, dominant de sa hauteur toutes les personnes présentes dans la pièce.
D’un coup d’œil, elle vit la fille sauvage dont lui avait parlé le pense-route, puis elle vit Isil, la femme qui flottait au-dessus d’elles toutes. Son aura était celle qui recouvrait celle de l’homme un instant plus tôt. Elle aurait deux mots à lui dire s’ils s’en sortaient tous vivant.
Elle reporta son attention vers le BlutEngel, qui la toisait comme un dieu regarderait un insecte nuisible, avec un soupçon de dédain mêlé de suffisance. Mia fixa intensément ce qu’elle savait être un démon, en dépit de son apparence angélique. Et elle découvrit la noirceur imposante de son aura. C’était une créature presque dépourvue de sentiments et dont l’âme semblait millénaire. Mais ce que recherchait Mia n’était pas cela. C’était la lueur. Et elle la trouva, nichée au centre du plexus solaire, sur le point d’être anéantie. Alors elle mobilisa son pouvoir de sensiblâme, comme Eosine le lui avait expliqué, en concentrant ses sentiments dans sa pensée et sa voix. Et elle fit ce que le pense-route lui avait ordonné de faire.
- Enora ! cria-t-elle de tout son cœur de sensiblâme.
Et un cœur de sensiblâme contient mille fois plus de sentiments que n’importe quel être humain. Aussi, à ce simple son, le corps du BlutEngel tressaillit, Laélia livra une larme, et l’âme d’Enora hoqueta comme un enfant pleurant que l’on réveille d’un terrible cauchemar.
Mia constata qu’il y avait effectivement un effet sur le BlutEngel et Enora, et décida de continuer en dépit de la menace qui pesait désormais sur elle. Mobilisant tout son cœur et tout son pouvoir nouvellement découvert, elle cria comme seule une enfant en était capable.
- Ne te laisses pas faire, Enora ! Enora, tu es plus forte que ça ! Sensiblâme, défends-toi ! Et vis ! La faible lueur blanche d’Enora se réveilla progressivement. La voix de Mia avait eu cet effet sur la sensiblâme que pourrait avoir le touché de la déesse de l’espoir sur le front d’un mourant. Après l’accablement et l’abandon, la flamme de la vie et l’envie de se battre contre le mal reprenaient le dessus chez Enora. Et son âme grandissait faiblement, luttant à l’évidence contre une puissance bien trop grande pour elle !
BlutEngel se jeta sur Mia, prêt à la détruire d’un simple geste, impatient de sentir les os de sa boîte crânienne craquer sous ses doigts. Elle allongea le bras…
Et rencontra le vide.
Laélia, encore, s’était interposée et avait protégée la jeune sensiblâme. Profitant de la course du démon, elle lui avait saisi le poignet et l’avait abaissé, entraînant ainsi la chute violente de la créature qui ne s’attendait à rien mis à part la victoire.
- Continue ! cria la femme sauvage à la jeune fille.
Et Mia continua, puisant encore et toujours dans ses sentiments.
- Enora, Enora bats-toi !
Laélia versait des larmes.
***
Vayn s’était à présent relevé. Ce qui lui avait semblé être une éternité n’avait été que quelques secondes. Son cerveau fonctionnait toujours incroyablement vite et il s’était donc repris avant l’aurore.
Avant l’aurore…
Non, il n’abandonnerait pas ! Il restait encore un peu de temps.
Reprenant péniblement sa marche, il espérait de toutes ses forces. Mais il fut rapidement encerclé. De nombreux jeunes démonistes étaient immobiles autour de lui, certainement prêts à en découdre. L’un d’eux, une femme, s’avança et le poussa aux épaules. Il fut en même temps tiré en arrière par un autre individu. Deux autres lui saisirent les bras, et deux encore les jambes. La jeune femme lui retira alors ses chaussures et Vayn,une fois de plus, maudit le destin de l’avoir mené sur le chemin de voleurs du dimanche. Mais l’opération durait, ce qui n’était pas normal du tout. Il ne pouvait pas voir mais c’était comme si on lui fixait des barres de bois sur la cheville.
Puis il fut relevé et constata que ses agresseurs lui avaient confectionnés, en quelques instants, une attelle de fortune qui lui permettrait certainement de reprendre la marche sur un bon rythme.
- Tu vas sauver le monde ? demanda la femme.
Vayn ne sut quoi répondre, mais son regard dut suffire à sa bienfaitrice.
- Alors vas !
Et sans comprendre pourquoi ils l’avaient aidé, pourquoi le destin était soudain revenu de son côté, il courut vers la sortie du cimetière.
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| | | Myrien Admin
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Dim 5 Fév - 16:35 | |
| Mia continuait à réveiller Enora. Laélia continuait à faire office de bouclier. Enora continuait à se battre et son influence était maintenant perceptible car à deux reprises, la femme sauvage fut sauvée de la mort par une hésitation in extremis du BlutEngel, comme gêné par la sensiblâme emprisonnée. A ce stade de la bataille, personne n’avait abandonné. Mais l’ennemi faiblissait. *** Vayn arriva enfin là où il le voulait et savait qu’il avait eu raison. AdrienF, le gardien de nuit du cimetière, n’était plus dans son office et psalmodiait un chant aux accents sombres. « Hikaru daichi ni tachi Towa no batoru chikau Egao choppiri namida Minna wasurenai yo
Omoi wa kyori wo tobikoe Ima kimi ni todoku kitto
Oh yeah !! GANGAN susume kaze kitte GANGAN iku ze saigo made Kanzen, nenshou; YES, I'm OK »L’incantation des monstres ! Aucun doute possible : cet homme si banal en apparence était celui qui avait tout orchestré ! Pas une seconde n’avait passée que Vayn fonça droit sur l’invocateur du BlutEngel. Celui qui a empoisonné l’esprit d’Enora, pensa Vayn. Et cela lui fit monter le sang dans les yeux et l’envie de défoncer l’être humain responsable de tant de maux. Il ne ressentait déjà plus la douleur, tout en sachant qu’elle reviendrait bien assez tôt, et sprintait comme il le faisait il y a longtemps sur les terrains. Le gardien de nuit ne se retourna qu’au tout dernier moment et reçut de plein fouet le plaquage d’un homme qui voulait le détruire. Ce qu’il fit. AdrienF s’écrasa contre un arbre mort autant qu’il fut écrasé par le coup de Vayn, et traversa le tronc comme s’il s’était agi d’une plaque de verre. Lorsqu’il retomba enfin sur le sol, recevant du même coup tout le poids du pense-route contre sa cage thoracique, ses côtes se brisèrent en plusieurs endroits, perforant sa chair de l’intérieur, et un éclat de bois long et effilé s’encastra entre ses os jusqu’à un poumon. Son assaillant ne se releva pas tout de suite. Lorsque Vayn se redressa enfin, l’homme qui s’étouffait dans son propre sang un instant plus tôt était décédé. Vayn le regarda longuement, et ces mots, sortis du fond des âges, traversèrent ses lèvres presque malgré lui : - In iour feïss ! cracha Vayn. *** Mia criait son amour et tous ces sentiments qu’elle avait refoulés depuis si longtemps. Le BlutEngel faiblissait à chaque instant et Laélia était dorénavant en mesure de défendre Mia sans mettre sa vie en danger. La flamme de vie d’Enora luttait toujours, même si elle restait faible. Quand soudain il y eut un éclair blanc dans la salle du tombeau, et le démon s’agrippa la tête des deux mains, s’agenouillant presque de douleur. Il releva la tête et hurla de rage, de frustration, de douleur peut-être. Son cri durait et emplissait la pièce comme si le silence n’avait jamais existé. Enora saisit sa chance et s’éleva soudain, repoussant l’âme du monstre comme une forcenée qui aurait une chance de se libérer de sa prison. L’assaut imprévu fit mouche et sa lueur prit le dessus sur celle du BlutEngel. Sa peau redevint plus humaine, son corps rapetissa pour reprendre sa taille d’origine. Dans son cri se mêlèrent pendant un instant ceux du monstre et d’Enora, chacun luttant pour la suprématie sur ce corps d’accueil. Mais l’invocateur était mort, et le BlutEngel retourna à l’Ombre. Enora était redevenue elle-même et s’écroula au sol, inconsciente. Dehors, l’aurore venait de se lever. Laélia s’affala contre le mur, posa ses coudes sur ses genoux relevés et regarda le sol entre ses jambes. Vayn venait d’entrer dans la salle du tombeau du Capharnaüm et constata l’issue de la terrible bataille qui avait eu lieu. Mia berçait celle qui avait certainement menée le plus intense des combats. Endormit entre les bras de la jeune sensiblâme, Enora dormait, un doux sourire sur les lèvres. Relevant la tête, Mia interrogea Isil du regard. Celle-ci comprit qu’elle devait immédiatement libérer le pense-route de sa malédiction, car l’intense activité qu’elle lui avait procuré affaiblissait l’esprit et pouvait entraîner des séquelles irréparables. Arrivée face à Vayn, elle le libéra de l’emprise à double-tranchant, et le remercia. Se tournant vers Laélia, elle lui demanda pardon pour ce qu’elle lui avait fait subir, et qu’elle subirait encore longtemps avant de se recréer une véritable barrière de conscience. Repartant vers Mia, elle l’informa qu’Eosine reviendrait bientôt, le temps de revenir des Limbes. Se plaçant au chevet d’Enora, elle l’effleura pour que celle-ci se réveille. Flottant au-dessus du groupe, Isil attendit que tous aient les yeux sur elle. Enfin, elle prit la parole en s’adressant à tous. - Vous avez brillamment combattu. Pardonnez-moi de vous avoir fait subir tant de maux. Grâce à vous, Gaïa, ainsi que ses habitants, sont saufs. Mais le mal est toujours présent, les menaces sont nombreuses, et je dois repartir. J’espère ne jamais avoir à vous manipuler à nouveau. Vivez votre vie. Merci. Elle commença à disparaître lorsque la voix impertinente de Vayn se fit entendre. - Hey ! Quoi, c'est la fin ? Tu crois vraiment qu’on va s’arrêter là ? Moi, je viens d’assister à la plus grande des aventures de notre temps. Tu crois vraiment que je vais pouvoir m’en retourner à ma petite vie, à parcourir les routes ? Pas question, ma mignonne ! Je continue l’aventure, que ça t’plaise ou non ! Laélia avança d’un pas vers Isil. - Moi aussi. Si je dois rester comme ça, autant donner ma vie pour l’humanité. - Et moi je n’ai nulle part ou aller, si ce n’est avec vous, ajouta Mia. Je vous vous accompagner, découvrir le monde, et le protéger aussi ! Enora se redressa tant bien que mal. - Après avoir failli être l’instrument de la destruction du monde, j’ai une dette envers Gaïa et tous ses habitants. Moi aussi, je donnerai ma vie pour eux ! La folâme choisit ce moment précis pour réapparaître, s’inséra dans son corps humain, et Eosine se releva comme si de rien n’était pour se placer au côté d’Isil, qui était descendu au niveau du sol. Elle se tourna vers le petit groupe de héros qui s’était formé et sourit : - Et bien, et bien, Isil. Je crois qu’on en a pas fini avec eux ! Il leur faudra une nounou tu sais. Isil sourit à son tour. - Et je suppose que tu remplirais très bien ce rôle ? - Si tu insistes… Des siècles après cela, l’on narrait encore ce jour dans les tavernes, on en faisait des chansons, et tous raffolaient de cette histoire, plus connue sous le nom de "LA RENCONTRE DES HEROS IMPROBABLES"
FIN | |
| | | Enora Admin
Nombre de messages : 1018 Age : 38 Localisation : Là où mes rêves me conduisent...
| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] Dim 5 Fév - 16:44 | |
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| Sujet: Re: La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] | |
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| | | | La rencontre des héros improbables. [Texte / Terminé] | |
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