C'est un truc que j'avais écrit y a pas mal de temps après avoir vu un chouette épisode de cold case mais ça n'a aucun rapport en fait.
Et si elle n’est pas seule ? Si jamais tu tournes la poignée et tu découvres qu’elle est avec quelqu’un ? Dans ton lit. N’ouvre pas cette porte Sam, n’ouvre pas ! Sors de cette maison ! Maintenant !
Sam obéit à la voix qui résonnait dans sa tête. C’était la seule chose à faire. Céline devait être de l’autre côté de ce mur, en compagnie d’un autre homme, et cela, il fallait l’éviter, ne pas le voir. Parce que Sam ignorait comment il pourrait réagir. Parce qu’il savait que, caché dans l’armoire de la chambre, son revolver l’attendait.
Il prit les clefs et les papiers de la voiture puis claqua la porte d’entrée avec en tête l’idée de ne plus revenir. Quitter enfin cette vieille baraque, oublier cette rue infâme et tous ses habitants. Ne plus voir leurs gueules le matin quand il partait travailler, ne plus les entendre parler du temps et de toutes ces discussions ridicules.
Mais devant ces mêmes voisins, la Clio ne démarra pas et Sam se surprit à crier. Un cri de désespoir qui dura quelques secondes et qui le soulagea. Ces gens là pouvaient bien le regarder exploser, il s’en foutait. Cela leur ferait sûrement un bon sujet de conversation chez le boulanger. « Samuel Fria, le copain de Céline, eh ben je crois qu’il va très mal. Il est devenu fou dans sa voiture, il est peut-être même dangereux… » Qu’ils aillent tous se faire foutre ! C’était fini, désormais il allait se reprendre en main. Quitter Céline, trouver un appartement et refaire une autre vie. A trente ans, on peut encore tout changer, il n’est pas trop tard.
Au bout du cinquième essai, le moteur se mit à tousser fébrilement, puis se sentit enfin prêt à marcher. Sam embraya en manipulant la boîte de vitesse et la voiture quitta le parking aussi vite que possible.
Bon, roule un peu, histoire de te changer les idées et surtout pense à ce que tu vas faire. Revenir prendre tes affaires et repartir sans un mot ? Tout lui dire pour qu’elle comprenne enfin ? Rester avec elle ? Mais merde Sam réfléchis, tu ne peux plus rester avec elle ! Elle se fout de toi, alors oublie la, pense plutôt à ce que tu vas faire ! Concentre toi.
Le feu était rouge mais Sam ne l’aperçut que trop tard et son pied n’effleura même pas la pédale de frein. A cinq heures du soir, les rues de la ville n’étaient pas beaucoup fréquentées. Les gens sortaient tous du travail une heure plus tard, rarement avant. Après tout quelle importance…
La Clio avançait rapidement sur l’autoroute. Sam ne voulait plus voir un seul être humain et la vision de ces voitures roulant autour de lui en devenait insupportable. Il prit la première sortie pour se perdre enfin sur une route de campagne.
Et pendant plus d’une heure, il roula sans même savoir où il se trouvait. Il n’avait croisé aucune voiture. Pas une. Comme si Sam s’était retrouvé seul, absolument seul sur terre pendant ces cents dernières minutes. Sur une vieille route où le béton se détachait, où les plantes et les arbres reprenaient enfin leurs revanches sur l’Homme, en brisant le goudron et en installant leurs racines et leurs tiges, il était là. Et en tant que seul Homme sur toute la planète, Sam se sentait effrayé, excité et heureux.
Il regarda sa montre : dix-neuf heures vingt. Sa crise était passée ; il allait simplement rentrer et parler un peu avec Céline. Tout irait bien. En allumant les phares, il chercha un endroit pour faire demi tour et rentrer.
Mais quand l’espace fut suffisant pour effectuer une manoeuvre, les pieds du conducteur ne réagirent plus et la Clio continua sa route. Une part de Sam ne voulait pas revenir. Elle voulait poursuivre le voyage, sans s’arrêter. Et Sam la suivit.
Le côté avant droit de la voiture avait été cabossé par Céline quelques mois auparavant, mais jamais ils n’avaient pensé à la réparer. Ils trouvaient toutes ces choses là futiles. Juste après l’accident, Céline s’était attendue à ce que Sam lui hurle dessus, mais ça ne s’était pas produit. Au lieu de cela, il avait simplement haussé les épaules en disant qu’il faudrait faire attention pour la prochaine fois. D’ailleurs, une semaine plus tard, en sa compagnie, il avait de justesse évité un camion alors qu’il avait pris une rue en sens interdit. Ils avaient eu peur sur le coup, puis après en avaient ri jusqu’aux larmes.
Sam se remémorait ces souvenirs comme certains relisent un livre ou d’autres réécoutent une vieille chanson d’un album longtemps oublié dans un coin. Il freina d’un coup et sortit de la voiture. Il n’avait croisé toujours personne et, au milieu de la nuit – qui s’était tranquillement installée – et d’une route perdue en pleine forêt Sam Fria s’assit juste devant sa Clio (avec les phares encore allumés) et se mit à pleurer.
Certes, cela ne dura pas longtemps, mais cet instant lui fit beaucoup de bien. Il fut interrompu par une voix féminine : « Excusez-moi, vous allez bien ? » Sam, surpris, se leva d’un bond en se tournant pour faire face, mais les lumières de la voiture l’éblouissaient. Il dut mettre la main devant ses yeux afin de se protéger, puis se dit qu’il lui suffisait simplement d’avancer et de se mettre hors du halo des phares pour que tout cela cesse enfin.
Pendant toute la manoeuvre, Sam ne dit rien. Il préférait sans doute voir qui lui parlait avant de le faire à son tour.
C’est à cet instant qu’il vit cette femme. Ses yeux s’habituaient peu à peu à l’obscurité et lui permettaient d’observer un visage angélique à quelques mètres de la voiture. Elle était habillée étrangement. De vieilles paires de chaussures aux pieds, un jean délavé et une belle chemise noire qui cachait son corps. Ses cheveux lui tombant sur la nuque paraissaient avoir été coupés à la cisaille. Un regard étrange qui n’exprimait pas la moindre trace d’inquiétude.
Mais autour, aucune voiture, aucune maison. Il s’agissait simplement d’une vieille route au milieu d’une forêt et – mis à part le goudron – rien ne paraissait avoir été construit par les Hommes. Elle semblait venir de n’importe où, mais d’un autre côté, elle n’avait rien d’une femme perdue dans la nuit. Et Sam tout au fond de lui, savait qu’elle ne s’était pas égarée. « Vous avez dit ? répondit-il en prenant une voix aussi sûre que possible.
– Je vous demandais si tout allait bien. reprit-elle doucement.
– Ah… heu oui. Je peux vous aider ? »
Elle se mit à rire, puis toujours souriante elle répondit : « Celui qui a besoin d’aide ici, on dirait plutôt que c’est vous, non ? » Sam s’attendait à cette phrase. Il secoua la tête et monta dans sa voiture. La portière encore ouverte, il fixait la route droit devant lui. Avant même qu’il ait eu le temps de la fermer, Sam entendit une voix proche de lui murmurer une phrase. Pouvez vous me déposer ? Bien sûr cela venait seulement de son esprit, mais n’y avait-il pas autre chose ?
Il sursauta lorsqu’il tourna la tête vers sa gauche. La femme s’était postée là, tenant la portière ouverte. « Est-ce que vous pouvez me déposer ? » demanda-t-elle. Sam sourit et accepta sans hésiter. Elle contourna la Clio par l’avant.
Et durant cet instant qui ne dura pas plus de quelques secondes, pendant qu’il la regardait marcher devant lui, des dizaines de questions l’envahissaient. Pourquoi ne lui as-tu pas demandé d’où elle venait ? Tu ne trouves pas ça étrange qu’une jeune femme d’une vingtaine d’années se retrouve seule sur une route pareille ? Et puis il faut que tu rentres, Céline doit déjà être en train d’appeler les flics pour signaler ta disparition, et toi tu traînes sur les routes en compagnie d’une charmante jeune fille. Et au fait, quand tu lui as parlé pour la première fois, elle était derrière la voiture, plus de cinq mètres derrière. Et en quelques secondes elle s’est retrouvée à ton niveau. C’est impossible de marcher aussi vite Sam, c’est impossible. Il poussa soudain un cri étouffé de surprise et peut-être même de terreur. Il avait perdu de vue la jeune femme. Elle avait comme disparu de son champ de vision. Comme disparu tout simplement. Il n’y avait plus personne devant lui, sinon la semi-obscurité de la nuit que les phares éclairaient. Sam entendit la portière droite s’ouvrir puis se fermer très vite et lorsqu’il tourna la tête dans cette direction, il sursauta. Elle était assise sur le siège passager et le regardait toujours souriante. « Vous êtes sûr que ça va ? demanda-t-elle. Je vous ai fait peur ?
– Oui, répondit-il gêné. Je ne vous avais pas vue arriver. Je vous dépose où ?
– A la prochaine ville.
– Oui mais je fais demi tour là, je rentre à…
– Ne vous inquiétez pas, le coupa-t-elle en riant. C’est sur votre chemin.
– Comment pouvez-vous le savoir ? Sam se doutait de la réponse et il savait qu’elle n’avait rien de vrai.
– Eh bien simplement parce que vous m’avez dit que vous faisiez demi-tour. Mon village est sur le chemin. »
Pendant un long quart d’heure, Sam eut l’impression que la voiture était la seule sur cette route. Parce que le silence pesant lui paraissait comme lointain. Il n’osait pas engager la conversation et la femme n’avait pas l’air de vouloir parler. Pourtant c’est elle qui brisa le bruit du vent. Elle le fit au moment même où Sam avait l’impression de somnoler au volant. Elle le fit au moment où Sam allait s’endormir. « Je m’appelle Rose… et vous ?
- Euh, Samuel. Mais on m’appelle Sam.
-Alors enchantée Sam, reprit-elle, vous rouliez pour vous changer les idées, n’est ce pas ? Moi je le faisais en marchant. »
Tous ses mots semblaient flotter dans l’air et chaque syllabe montrait que cette femme paraissait si sereine.
Puis le silence gagna de nouveau du terrain, et Sam ne voulait pas de cette ambiance morne. Il alluma la radio. Le premier son entendu fut celui des Beatles. Yesterday. Une sensation de bonheur l’envahit soudain. Rose ne dit rien, mais à son sourire, il comprit qu’elle savait. C’est une coïncidence Sam, elle ne connaît pas ta vie. Et puis c’est juste un sourire. Tu as bien vu qu’elle sourit tout le temps. Bon d’accord c’est étrange mais après, nom de dieu, c’est simplement une femme que tu raccompagnes à la prochaine ville ! Ou au prochain village. T’as pas à t’inquiéter !
« Vous aimez les Beatles ? demanda-t-elle.
– Oui, beaucoup, admit Sam. Beaucoup… » Son dernier mot fut presque un murmure. Quelques larmes coulèrent et comme si le geste devenait automatique, il s’essuya les yeux d’un revers de main.
Aussi étrange que cela parut, il avait besoin d’en parler. Ou en tout cas, s’il en ressentait le besoin, c’est à elle uniquement qu’il voulait le faire. Parce qu’elle savait écouter. « La dernière fois que ma femme et moi avons été heureux, c’était il y a un an. Un vendredi ou un samedi soir, et nous n’avions aucune idée de ce que l’on pouvait faire. Vous savez, ces soirées ennuyantes où il n’y a rien à la télé, où vous n’avez pas envie de dormir et encore moins de lire le dernier polar qu’on vous a offert. Ce sont des soirées qui paraissent tristes parce que rien de ce que vous faites d’habitude n’a l’air de vous donner envie, et vous commencez à vous poser des questions sur votre vie, votre passé et sur vous même.
« Elle appelait cela les soirées à un fil. Parce que pour elle, dans ce genre de moment, on pouvait passer de l’ennui à l’amusement en quelques minutes. Et réciproquement. Parce que dans ces instants, nous sommes plus enclin à sortir pour aller faire quelque chose de nouveau. Et il suffit de donner un coup de téléphone pour savoir si un endroit est ouvert. Seulement la réponse sera souvent négative, vous comprenez ? Quand on ne réserve pas, en général tout est complet. Elle disait que ces soirées là ne tenaient qu’à un fil. C’était un peu son invention, et j’aimais bien ça. »
Sam reprit son souffle en coupant la radio. Il voulait juste faire un pause avant de continuer et Rose devait l’avoir compris. Son sourire effacé, elle regardait les arbres qui passaient, passaient et repassaient encore dans l’obscurité, en attendant la suite.
« Ce soir là, reprit-il, nous avons décidé de prendre la voiture et de rouler au hasard dans n’importe quelle direction. C’est quelque chose de merveilleux. Vous êtes là, au milieu de ces lumières, de ces gens, mais en réalité, ils ne comptent pas. C’est un peu comme s’ils n’existaient pas vraiment, vous comprenez ? Comme si ce monde, cet univers avait été créé pour vous, et rien que pour vous, pour cet instant précis où vous roulez. Et c’est plus qu’un rêve voyez vous, parce que c’est presque réel. Parce que c’est réel.
« Mais nous n’avions aucune idée de l’endroit où nous aurions pu aller, alors sur une aire d’autoroute nous nous sommes arrêtés et nous y avons passé la nuit. Bien sûr ce n’était pas vraiment confortable (il sourit), mais après tout, c’est secondaire. Et c’était magique… c’était magique… je peux vous le dire, je suis sûr que cette nuit là, nous avons été seuls sur terre. Les autres ont du disparaître pendant quelques heures. Nous l’avons senti. »
Le silence gagnait de nouveau du terrain. Sam allait annoncer la pire chose qui lui était arrivée dans la vie. Il redoutait d’en parler. Cet instant où tout avait basculé lui restait en tête. Cette absence. « Elle est morte cinq mois après… une opération qui a mal tourné. Je n’ai jamais vraiment compris ce qu’il s’était passé dans cet hôpital. Je ne sais pas si le chirurgien a été condamné pour faute grave. En réalité je ne sais rien et c’était exactement ce que je voulais. Essayer de tourner la page. Mais je dois vous ennuyer avec tout ça, je suis désolé, je voulais juste…
– Vous ne m’ennuyez pas Sam, répondit elle, je vous assure. Je suis désolée pour ce qu’il s’est passé. Comment s’appelait-elle ?
– Céline… elle s’appelait Céline… »
Pourquoi tu lui racontes tout ça Sam ? Tu es en train de lui casser sa soirée à parler de ta vie de merde ! Reprends toi ! Rallume la radio et calme toi !
C’est à cet instant que le doute commença à s’installer. Cette femme en savait beaucoup plus sur lui qu’elle ne laissait paraître. Comme si elle connaissait sa vie ou en tout cas une grande partie, et cela n’était pas du à ce qu’il lui avait raconté. « Mais je vis avec quelqu’un, reprit-il en souriant. Elle est magnifique. Bien sûr nous avons aussi quelques problèmes mais sinon tout se passe bien. Et vous ?
-Comment est-elle ? répondit Rose.
-Pardon ?
-Quel est son prénom ? précisa-t-elle soudain. »
Sam eut du mal à répondre. Il sentait que cette question était un véritable piège mais ne pas y répliquer aurait été comme perdre une bataille qui n’avait jamais commencée. « Céline. Elle s’appelle aussi Céline, avoua-t-il. »
Et sans y penser, il ralluma la radio. C’est à cet instant que les premières notes de Yesterday reprirent dans la tête de Sam. Cette idée de douceur et de sérénité se transforma rapidement en une idée de terreur. Dans le doute, il pressa le bouton du son de la radio, et la musique sonna plus fort. Ce n’est pas dans ta tête Sam, cette chanson se joue encore à la radio ! La même station ! Ils ne passent jamais la même musique avant des heures… cela fait moins de vingt minutes… Sam, ce n’est pas normal. Elle y est pour quelque chose.
Et puis il se passa quelque chose d’étrange. Rose le regardait. Sam n’osait pas tourner la tête dans sa direction, seulement, il sentait le regard posé sur son visage. Mais d’un certain côté, il s’en sentait comme protégé. Il savait qu’elle devait observer ses moindres traits, mais cela n’était en rien une agression. Il y avait de la compassion, de la compréhension. Peut-être même de la pitié, mais pas un seul jugement. Sa peur avait disparu et une sensation de bien-être se mit à l’envahir et ce, jusqu’à la fin de la chanson.
Rose coupa le son de la radio et désormais, le seul bruit qui parvenait aux oreilles de Sam était le vent rentrant dans la vitre à moitié ouverte du conducteur. « Sam, murmura-t-elle doucement, est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous dites ? » Cette ]phrase ébranla en quelques secondes toutes ses espérances. Cette femme n’avait aucune envie d’aller dans la prochaine ville, ou dans le prochain village. Cette femme ne devait sans doute même pas s’appeler Rose. D’ailleurs avait-elle un nom ?
« Je ne comprends pas ce que vous…
– Sam, votre voiture, le coupa-t-elle. Le pare choc avant droit a été endommagé par un accident c’est exact ?
– Mais comment savez…
– Qui a fait ça Sam ? Vous ? Céline ? Laquelle alors ? Celle qui est morte ? Celle qui est en ce moment chez vous ? »
Pourquoi dîtes vous ça ? Sam voulait parler mais aucun son ne sortit de sa bouche. « Avec qui êtes vous allés ce soir là Sam ? Quand vous avez été dans la voiture en compagnie des Beatles. Qui était avec vous ? Décrivez moi ces deux femmes. Sont-elles vraiment différentes ?
– Arrêtez avec ces questions ! hurla Sam excédé. De ce que vous en pensez, je m’en fous, vous entendez ?
– Si je fais ça, c’est pour vous aider, répondit-elle d’un air calme.
– Je ne veux pas de votre aide ! Je vois très bien où vous voulez en venir ! Les deux femmes que j’ai connues s’appelaient Céline et je n’ai rien inventé. »
Arrête de lui parler Sam. Arrête toi maintenant et fais la descendre. Tu ne sais pas qui elle est et tu n’as aucune envie de le savoir tu m’entends ? Fais la partir !
Mais malgré tout, il continuait de rouler. Quelque chose en lui avait envie d’écouter cette femme. Parce qu’elle voulait l’aider et cela, il le sentait malgré le mal qu’elle lui faisait. « S’appelaient ? reprit elle.
– Quoi ?
– Vous avez dit que les deux femmes s’appelaient Céline. Pourquoi ?
– Arrêtez avec vos questions, je vous en prie, arrêtez… répondit Sam en essayant de contenir les larmes qui coulaient encore le long de ses joues. Et puis d’abord qui êtes vous ?
– Sam, écoutez moi… vous devez vous souvenir d’un accident de voiture avec…
– Non c’est vous qui allez m’écouter ! Je vous ai raconté une partie de ma vie, sans doute même la plus importante ; pour quelles raisons, je l’ignore… j’ai essayé d’être le plus honnête possible, alors je vous en prie, arrêtez ce jeu. Je ne sais rien de vous, et vous voulez que je vous fasse confiance ? »
Il y eut un long silence. Sam ne savait pas s’il devait en être soulagé ou inquiet. Ses mains sur le volant tremblaient et son tee-shirt était trempé par sa transpiration, comme s’il avait couru aussi longtemps qu’un marathonien. Cette pensée le fit sourire mais pas longtemps. « Sam, ne rentrez pas chez vous. » Le regard de Rose était encore posé sur le conducteur et cela depuis le début de la conversation. « Vous savez, reprit-elle, ces soirées à un fil, c’est un peu ce qu’il s’est passé ce soir non ? »
Sauf que c’était pire que de rester à la maison à ne rien faire. Fais la descendre de la voiture !
– Alors descendez avec moi Sam. Si jamais ce soir, quand vous allez rentrer chez vous, vous découvrez que vous êtes seul. Qu’il n’y a plus personne dans cette maison. Que ferez vous ? Venez avec moi… je suis réelle. »
Sam freina le plus rapidement possible et fixa la passagère, terrorisé par ce qu’elle avait dit. Ce n’était pas l’idée que sa maison soit vide qui l’avait fait réagir. Cela, il s’en était douté quelques minutes auparavant. Non, c’était ce alors descendez avec moi. Une réponse. A une pensée.
« S’il vous plait, supplia-t-il, partez.
– Venez avec moi Sam, partons ensemble.
– Mais bon dieu qui êtes vous !
– Descendez avec moi Sam ! »
Et à cet instant, il s’aperçut qu’elle pleurait aussi en le suppliant. Mais dans l’obscurité, ce fut Céline qui était à ses côtés. Céline, qui avait détruit la voiture, celle qui avait inventé les soirées à un fil et celle qui avait écouté avec lui Yesterday sur cette aire d’autoroute. Cet instant fut bref, et vite, il se rendit compte que ce visage n’était rien d’autre que son imagination. Rose était encore là et Céline avait disparu.
« Allez vous en, s’il vous plait, répéta-t-il. » Rose ouvrit la portière et quitta la voiture en le suppliant encore et encore de la suivre. Sam ne prit pas la peine de voir la direction qu’elle prenait. Il passa la première et continua son chemin, avec en tête, Céline, et l’angoisse d’un éventuel retour.