L'artiste et la main de Parkinson
Après avoir regardé un film, il m'est venu une idée terrible : et si je perdais l'usage de ma main ? Si, l'artiste que je suis, perdait sa main et donc toute possibilité de création ? Qu'est-ce que pourrait faire un homme ou une femme dans ce cas ? J'ai passé en revue quelques arts (dessin, écriture, peinture, guitare, etc.) et je me suis rendu compte que toutes les portes se fermaient... J'ai donc décidé d'écrire un texte là-dessus. Je ne sais pas où je m'en vais. Je ne sais pas où je veux arriver. Mais je sais que j'ai envie de le faire. Voilà.J'ouvre les yeux. Je ne sais pas où je me trouve. Il fait noir. Humide. Je ne discerne pas bien les contours des poutres métalliques. Je ressens les gouttes d'eau tombé depuis les nombreux trous dans le toit.
Je grogne et tente de me redresser. Je m'appuie sur ma main droite et pousse un nouveau grognement. La sensation est étrange. Presque douloureuse. Je me laisse retomber au sol. Le choc est dur et forcément inconfortable.
Je retente alors de me relever mais cette fois-ci je prend appui de ma main gauche. Cela fonctionne. Je suppose donc que je me suis blessé à l'autre main. Mais mes yeux sont encore lourds du brouillard du sommeil. Je ferme et ouvre mes yeux un nombre important de fois pour tenter de percer ce mur dense et flouté.
Tout autour de moi se trouve des meubles de bois recouverts de tapis exotiques. Ils sont noirs et recouverts de signes géométriques simples et jaune. Il y en a tellement de ces formes qu'elles constituent un maillage complexe rehaussé de petits fils d'or tout autour. Dessus ces œuvres d'art se trouvent pêle-mêle des poupées, des bols, des statues, des fioles de poudres et autres bocaux de verre empli d'un liquide lourd et immobile.
Je me tâte le corps à la recherche de blessures. Je ne trouve rien. Je fouille mes poches et ne trouve aucun porte-feuille. Aucunes feuilles. Aucun ticket qui pourraient m'indiquer où je me trouve. Je ferme les yeux. Je les ferme le plus fort possible en croyant naïvement que je pourrais me souvenir de quelque chose. Il n'en résulte rien.
Je me souviens alors de ma main droite. Je l'exhibe devant moi, à hauteur de mes yeux et la fait tourner de droite à gauche, puis de gauche à droite. Elle est couverte de ces mêmes signes étranges qui recouvrent les tapis noirs.
« Que- ? »*Qu'est-ce que je viens de voir ?! *Je ne sais pas pourquoi mais je m'inquiète. Je n'aime pas ce que je viens d'apercevoir. Un mouvement rapide.
Je penche la tête sur la droite, pour ne plus avoir ma main comme obstacle. Je ne pense même pas à rabaisser ma main.
Je cherche dans les ténèbres ce qui a pu éveillé mon attention. Je plisse les yeux mais le noir reste noir.
Je hausse les épaules et retourne à la contemplation de ma main. Je ne sais pas pourquoi mais elle m'attire.
Et voilà que cela recommence. C'est plus fort et ça dure plus longtemps. Ma main tremble. J'essaye de lui ordonner de s'arrêter par la pensée. Je sais, c'est con, mais je ne trouve rien de plus intelligent à faire sur le coup. J'agis d'instinct. Cette main, que j'ai toujours contrôlé je ne sais comment, je ne la contrôle plus.
Je commence à paniquer. De mon autre main, j'essaye, en comprimant la droite, d'arrêter les tremblements.
Cela ne s'arrête pas. Toujours pas.
« Qu'est-ce que c'est que ça ?! Hey ! Il y a quelqu'un ? »Je me relève. Le sol me paraît soudain très froid. Très humide. En prenant appui de ma main gauche sur ma jambe, je ressens une certaine mollesse. Une fois debout, je tâte du pied et crois reconnaître la matière. Je cherche alors rapidement une extrémité du tapis. Mes yeux furètent aux quatre coins mais ne trouve rien. Le tapis est juste immense ! Heureusement, je trouve une déchirure. Je pose un genou au sol et passe un doigt au travers.
*De la terre. De la terre... *Tout de suite, mon cerveau travaille. Mais il n'a pas assez de matière. Alors, il ordonne à mon visage de se tourner et d'inspecter toute la pièce. Sur les meubles de bois, il ne voit plus seulement s poupées mais des petites créatures artisanales percées d'aiguilles. Des poupées vaudou. Il ne voit plus des bocaux de verre, mais des cimetières pour des organes, des membres. Il croit reconnaître une paire d'yeux, peut-être humain dans un bocal de verre. Les bulles se sont attachés sur les globes. La solution les a rendu verdâtre. Dans un autre bocal, il voit une aile noire en suspension. Il semble même que le liquide épais et jaunâtre soit en mouvement. Une force intérieure, de dedans le bocal.
[color=orange]*Je suis... Je suis... *[/orange]
« Sur un cimetière. » bafouille-je.
Je panique. Je regarde ma main. Elle tremble plus avant.
Je panique encore plus. Je ne dois pas regarder ma main. Je ne dois pas voir les tremblements.
Je dois sortir d'ici.
Je me précipite dans une direction. Je marche toujours tout droit. Et je me pose des questions :
« Pourquoi ? »*Pourquoi est-ce que l'on m'a privé de ma main ? Pourquoi est-ce que l'on m'a retiré mon don de création. Mon envol vers les rêves et les mondes que j'invente. Qu'ai-je fait pour mériter ça ? *Je met alors un nom là-dessus. Je suis un humain, il faut que je mette un nom sur chaque chose. Cela me permet de fait d'une chose inconnue une chose connue. Cela me permet d'affronter quelque chose que je peux cerner.
« Parkinson. »*Cela ne peut être Parkinson. Je suis sur que c'est un sortilège. Une malédiction que l'on m'a lancé. Mais cela ressemble trop à Parkinson. Alors je vais l'appeler Parkinson... Oui, Parkinson... *Je marche depuis trop longtemps tout droit. Cette pièce ne peut pas avoir d'aussi grandes dimensions. Je dois forcément rêver.
« Oui ! C'est cela, je rêve. Il me suffit de me pincer et alors... »Je me pince.
Et je me réveille.
Je suis dans ma petite chambre. Le soleil tape fort. J'ai du m'endormir faute d'un bon sommeil et d'une telle chaleur. J'ai du faire trop d'efforts, trop fixé l'écran de l'ordinateur. J'ai eu mal aux yeux. Mal au crâne. Puis mon cerveau a décidé de tourner le bouton. Il m'a obligé à me reposer.
*Si je me suis réveillé. C'est donc que je me suis assez reposé je pense. Il est temps de retourner sur mon manuscrit alors. *Je m'installe sur mon lit. Pose l'ordinateur sur mes jambes. Il chauffe mais cela n'est important. Il fait tellement chaud dans la pièce que cela ne change pas grand chose.
J'ouvre alors l'ordinateur avec ma main gauche. Le traitement de texte s'ouvre couvert de nombreuses lignes noires.
« Alors ? Où en étais-je ? »Je relis rapidement les derniers deux, trois derniers paragraphes. Je lève un peu mes mains de la surface où on peut les faire reposer. Elles sont prêtes à taper lorsque un mouvement attire mon œil.
Je regarde mes mains et je vois alors un tremblement dans ma main droite...