Comme toutes mes fanfic', j'espère que les non fans parviendront à lire cette histoire et à y prendre du plaisir, même s'ils ne comprennent pas toutes les références et implications qui s'y trouvent, et que les fans s'y retrouveront avec plaisir.
Bonne lecture à tous !
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LA NAISSANCE D'OPHUCIUS
- Demain, tu seras mort ! Tu comprends ce que je te dis, Nathanaël ? Tu vas mourir !
- Et bien je préfère mourir libre que dans cette prison ! Je suis déjà mort de toute façon. Je ne suis pas surdoué comme toi et demain j'affronterai Docrates pour l'armure d'Héraclès. Shaina, il a tué tous ses adversaires lors des combats officiels et je suis le dixième, le dernier avant qu'il obtienne l'armure. Il va me massacrer en prenant son temps !
- Pas si tu le bas. Alors que si tu pars, ils te donneront la chasse, et ils te tueront. Violer les lois du Sanctuaire équivaut à une trahison. Je ne peux pas te laisser faire ça.
Nathanaël dévisage la jeune fille, plus jeune que lui de deux ans.
Elle vient d'obtenir son armure d'argent. Shaina, chevalier d'Ophucius, avec un avenir prometteur devant elle. Nombreux sont ceux qui affirment déjà qu'elle deviendra bientôt la plus puissante des chevaliers d'argent. Comme pour toute femme chevalier, elle porte un masque, signe de son renoncement à sa féminité. A seulement dix ans.
- Tu me dénoncerais au Sanctuaire quand je partirai ?
- Ne me demande pas ça.
- Tu essaierais de m'en empêcher ?
- …
- Tu... me tuerais ?
- S'il le faut.
- Je ne te crois pas.
- Ne m'oblige pas à te le prouver.
- Je suis ton aîné !
- En tant que chevalier, je suis ton supérieur !
- Tu ne veux pas ma mort et je vais te le prouver ! J'ai deux autres personnes avec moi, nous partons ce soir. Immédiatement. Adieu.
La seconde d'après, Shaina regarde la porte claquer. Nathanaël est parti.
- Je t'aime, chuchote-t-elle avec une douleur sans nom dans la voix. Pourquoi tu ne veux pas comprendre ?
Et une larme coule derrière son masque jusqu'au sol.
« Amour ».
Ce mot qui semble réservé aux grandes personnes, ici plus que nul part ailleurs, les enfants en connaissent tout le sens profond. Car il grandissent et mûrissent avant l'âge, dans la douleur et la camaraderie, dans l'éducation stricte au sacrifice, à la protection de la Terre et dans la recherche du cosmos. Oui, à seulement dix ans, ici, les enfants rêvent toujours, mais ils savent aussi ce que signifie l'amour, ainsi que cet autre mot, si souvent employé à la légère.
« La Vie ».
A seulement dix ans, Shaina prend sa première décision véritablement importante. Sa première décision d'adulte, comme dirait certains. Mais dans la vraie vie, les grands choix n'ont rien à voir avec l'âge.
Ce soir, pour protéger des vies, je vais devoir sacrifier l'amour. Nathanël... Pardon.Dans la nuit noire de la Grèce, à l'abri des lumières des villes et des montagnes inhabitées, le Sanctuaire s'endort sous un ciel clair et étoilé. Dans ce paysage dénudé et vierge de tout l'attirail électronique des sociétés modernes, trois silhouettes courent à en perdre haleine.
Trois fuyards qui préfèrent quitter ce qu'ils considèrent comme un enfer sur Terre.
Mais alors qu'ils traversent les espaces rocheux à une vitesse irréelle, chacun aperçoit un éclat violet anormal sur leur route. Un reflet de lune sur une armure que tous reconnaissent. L'armure d'argent d'Ophucius, le chevalier au masque.
Droite et fière, impassible et implacable en apparence, Shaina les attend.
Les trois arrivent rapidement et dédaignent stopper leur lancée. Là s'arrête le plan d'évasion : courir, le plus vite possible, le plus loin possible, et si possible semer celle qui est venue faire respecter la loi du Sanctuaire.
… Mais on ne sème pas un chevalier. Encore moins celui-ci.
Vêtue de son armure à l'effigie de sa constellation protectrice, Shaina ne peut pas être distancée par un être humain. En quelques secondes de course avoisinant la vitesse du son, les trois enfants sont rattrapés et tenus de s'arrêter.
Au centre d'un plateau nu baigné par les vents, les deux parties se font face. Derrière Shaina, les fugitifs voient déjà les lumières de la ville, en contrebas.
Nathanaël s'avance d'un pas.
- Alors, tu ne nous as pas encore dénoncé ?
- Rentrez tous les trois et je n'en parlerai à personne.
- Non. Nous partirons, coûte que coûte.
Si quelqu'un, un adulte, avait assisté à cette scène, il aurait trouvé très étrange de voir ces enfants si semblables à ce qu'ils étaient, des enfants, parler entre eux et se défier comme des adultes. Mais pour ceux-là, il n'y avait ni « enfant » ni « adulte » qui tiennent. Il n'y avait que des êtres humains, baignés de rêves et d'espoirs. De peurs et de douleurs aussi.
Shaina réfléchit un instant aux paroles de celui qu'elle aime. Mais une seconde d'hésitation serait comme l'étincelle qui ferait naître le feu du renoncement. Alors elle prend sur elle, encore. Elle doit être forte pour les garder en vie. La bonté et la faiblesse représenterait un cadeau empoisonné pour eux.
Implacable, je suis implacable, se dit-elle pour se donner le courage de protéger ces hommes.
- Non, Nathan'. Je ne peux pas vous laisser partir. Des chevaliers seront envoyés à vos trousses pour vous empêcher de parler et de divulguer le secret de leur existence. Rendez-vous jusqu'à la ville et vous ne serez plus que des morts en sursis. Rentrez maintenant, et vous aurez encore un espoir de vivre.
- Non ! Demain je mourrai. Albert a failli mourir aussi, plusieurs fois. Et Mathias sait qu'il n'est pas fait pour cette vie.
- Alors acceptez votre faiblesse et retirez-vous de l'apprentissage. Vous pourrez toujours vivre dans les villages du Sanctuaire, travailler la terre et l'artisanat, vivre !
Le plus petit des trois, Mathias, sept ans seulement, s'avance alors jusqu'au côté de l'organisateur de cette expédition suicide.
Shaina l'écoute parler. Sa voix est fragile et, si le vent ne soufflait pas vers la ville, elle ne l'entendrait même pas d'ici.
- Je ne veux pas perdre ma vie au Sanctuaire. Je veux retrouver la ville, étudier, avoir un travail, et grandir dans le vrai monde.
Ces mots, Shaina les reconnait pour les avoir pensé mille fois déjà. Mais elle connait aussi les conséquences qui en découlent. On ne quitte le Sanctuaire qu'en tant que chevalier d'Athéna, pour protéger la paix sur Terre, ou bien à l'état de cadavre. Telle est la loi depuis que le grand Pope l'a demandé, il y a sept ans déjà.
Albert rejoint les deux autres et intervient lui aussi.
- Je suis tombé dans un ravin, j'ai affronter des adversaires qui se complaisaient à me faire souffrir, je ne comprends pas les lois qui régissent ce lieu, je comprends pas son utilité alors que dans le monde les gens meurent et que nous n'agissons pas. Le Sanctuaire n'est qu'une supercherie !
Elle ne peut s'empêcher que ces trois garçons feraient de magnifiques chevaliers d'Athéna. Leur coeur est bien plus pur que le sien même.
- Tu ne comprends pas, Albert, dit-elle d'une voix qu'elle veut apaisante. Le cosmos est en chacun de nous, dans nos coeurs, dans nos corps, dans les atomes qui composent notre corps. Toutes les souffrances que tu as vécues pendant ton entrainement, elles ne servent qu'à libérer ce pouvoir qui est en toi, si tu n'abandonnes pas. Tes adversaires ne deviendront pas chevaliers, car même s'ils acquièrent artificiellement le pouvoir des chevaliers, ils n'en ont pas l'âme. Les chevaliers ont toujours agi dans le secret car les hommes ne nous comprendraient pas et les menaces qu'ils se créent ne sont rien en comparaison de celles qui nous affronteront en tant que chevaliers. C'est pour ça que nous ne nous mêlons pas des guerres qui n'emploient pas de cosmos au service de la destruction. Tu comprends maintenant ?
Tout en parlant, elle a senti que son discours a porté ses fruits et que la détermination des plus jeunes est ébranlée. Mais pas celle de Nathanaël. Il lui faut plus. Elle le voit en ce moment même dans son regard dur. Lui, il ne peut être influencé, il faut plus que cela. Et comme pour confirmer sa crainte, il se met en position de combat.
- Je passerai, Shaina. Et rien ne m'en empêchera, même si je dois te passer sur le corps.
C'est un poignard dans le coeur qui perce sa poitrine et remue à l'intérieur.
L'amour ou la protection de la Terre ? Voilà le choix qu'il lui impose.
Shaina pleure derrière son masque, redresse son buste, place une main au niveau de ses hanches, l'autre en griffe à hauteur de la poitrine, comme le bec du serpentaire symbole de sa constellation.
Immédiatement, son coeur devient froid. Il l'a brisé, l'a forcé à faire un choix terrible. Pour le protéger et protéger les deux autres d'une mort certaine, elle doit le combattre sans pitié, car lui va faire de même, pour la tuer.
Sa voix est glacée lorsqu'elle répond à sa dernière provocation.
- Tu as défié les lois du Sanctuaire et a entrainé deux apprentis avec toi. Eux sont jeunes et ne doivent payé le prix de ta trahison. Au nom du grand Pope, d'Athéna, je vais devoir t'affronter et te vaincre. (Libérant un instant sa cosmo-énergie, l'armure se détache de son corps et tombe au sol) Je t'affronterai loyalement. En garde !
- Tu as commis une erreur car maintenant même si tu es plus forte, ton corps n'est plus protégé et tu te retrouves aussi faible que moi.
Deux enfants courent vers un combat qui s'annonce sanglant. Quel adulte serait capable de ça aujourd'hui ?
Shaina est plus rapide et rejoint Nathanaël plus vite qu'il ne l'aurait cru. Les doigts de la petite fille sont des griffes qui déchiquètent les chairs. Nathanaël découvre qu'il ne fait pas le poids et reçoit une première attaque à l'épaule qui le fait tourner sur lui-même en pleine course. Il perd instantanément l'équilibre et dégringole en tourbillonnant dans les airs avant d'atterrir sur le roc, en sang et écorché déjà en de multiples endroits. Il a mal, ça se lit sur son visage.
Pour Shaina, cette vision est un second poignard, enfoncé de sa propre main, cette fois. Elle l'a blessé, sans aucune difficulté, et les yeux du garçon sont désormais pleins d'une haine qu'elle ne veut pas comprendre, mais qu'elle comprend quand même.
De la jalousie, de la haine pure, et du jugement. S'il a partagé ses sentiments un jour, ce dont elle doutait à présent car elle comprend maintenant qu'il lui a toujours caché ces sentiments mauvais, aujourd'hui ceux-ci n'existent plus.
De la haine.
Peut-il seulement retourner au Sanctuaire ? N'est-il pas trop tard ? Doit-elle le tuer tout de suite, ici ? Si elle le ramène plus mort que vif, il repartira.Et comme pour la contredire :
- Je ne retournerai pas au Sanctuaire.
- Alors meurt !
Est-ce vraiment sa voix ? Est-ce vraiment elle qui a dit ça à l'instant ? Est-elle morte dans son coeur ? N'est-elle plus qu'un chevalier ?Trop de questions, trop de pensées, elle doit faire le vide et faire ce que le Sanctuaire attend d'elle.
Lorsque son corps gît au sol, débarrassé de sa vie, tous trois regardent celui qu'ils ont connu. Nathanaël n'est plus. Jamais il ne deviendra le chevalier d'Héraclès. Docrates sera le détenteur désigné de l'armure.
« Ça », un chevalier d'Athéna...Shaina parle d'une voix dénuée de sentiments quand elle s'adresse aux survivants. En a-t-elle seulement encore enfouies quelque part ?
- Le rebelle a rendu l'âme. Oubliez l'évasion et rentrez chez vous. Demain vous quitterez votre formation et entrerez au village où vous servirez les chevaliers d'une autre manière. Je me charge de ramener le corps.
Elle ne les regarde pas. Mais elle sent, elle sait que leurs regards sont lourds de reproche, d'amertume et de jugement. Elle ne veut pas les voir et, alors qu'ils s'éloignent, ses yeux fixent ceux de Nathanaël, si différents des siens. Douze ans à peine, mi-italien, mi-japonais. Ses yeux légèrement bridés ne laissent voir qu'un regard mort qui semble la juger jusque dans la tombe.
Elle ne sera jamais la même, et dans ce coeur froid qui est le sien né alors une conviction illogique qui se grave jusqu'aux tréfonds de son âme.
Un japonais ne peut devenir chevalier.Deux semaines plus tard, Marine, une japonaise, vainc son dixième adversaire et remporte l'armure d'argent de l'aigle.
Je la hais.Six mois plus tard, Seiya, sept ans, un japonais encore, arrive au Sanctuaire pour suivre une formation de chevalier et crie à tout va qu'il compte bien remporter l'armure de Pégase et la ramener au Japon.
Impensable.Le lendemain, à sa demande, Shaina est désignée pour former Cassios, un grec, le petit frère de Docrates. Il
doit remporter l'armure de Pégase ! Il ne peut en être autrement !
Un japonais ne mérite pas de devenir chevalier.Shaina, le chevalier d'Ophucius, était né.