Texte totalement remanié que vous pouvez lire
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Avant-propos: par moment, je décris certaines choses qui sont illégales, mais qui, malheureusement existent. Je tiens à dire également que je n'incite personne à quoi que ce soit, et que je suis prête à me coltiner la censure, ne connaissant pas encore toutes ses limites. Sur ce, bonne lecture.
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Une douleur lancinante en plein cœur, celle qui ne peut guérir, celle qui ne cesse de saigner, celle qui ravive des souvenirs blessants, celle qui arrive à nous faire peur à nous-même.
Lui ne contrôlait plus rien. Cette douleur interne n'avait fait que s'agrandir au fil des ans. Il en était venu à se dire qu'il n'était pas fait pour vivre. Il n'avait pas choisi de naître, encore moins de souffrir de la sorte. Tout lui semblait vide de sens, vide de profondeur, vide de vie, vide d'âme. Pourtant certaines choses, uniques, retenaient son attention et finissaient immortalisées en photographie. Cette passion lui avait permis de créer un lien entre le monde et lui-même. Replié, il était emmuré dans sa chambre, ne parlait pas, ignorait tout simplement ce qui l'entourait. La photographie avait quelque peu brisé la tour d'ivoire dans laquelle il s'était réfugié.
Vincent fixait des photos affichées au dessus de son bureau depuis une bonne heure déjà. Assis les genoux serrés contre son torse sur la chaise en cuir noir, ses yeux s'étaient égarés dans les souvenirs évoqués par ces images particulières. Chose qu'il tentait vainement de ne pas faire. Cela lui faisait plus de mal qu'autre chose. Une vieille photo de ses parents affichée au milieu du mur tapissé de papier peint l'attirait fréquemment. Comme pour une cérémonie, lorsqu'il s'asseyait à son bureau, son regard s'accrochait automatiquement à ce pan de mur, tel un aimant attiré par le nord. C'est ainsi que sa tante le trouva un moment plus tard, pour lui dire de passer à table.
- Vince, le repas est prêt...
Ce fut comme si elle avait parlé à un mur. Le jeune homme n'avait pas bougé d'un iota, plongé dans ses souvenirs. Elle prit le temps de l'observer, vit ce qui le rendait dans cet état, et soupira.
- Vince, tu ne veux pas manger?
En fait, il l'entendait, mais il n'avait pas la foi de lui répondre. Il finit par arriver à hocher de la tête négativement. Sa tante lui lança un regard éloquent; or, il n'en avait rien à fiche. Alors, elle abandonna avant même de lutter, et partit comme elle était venue.
Il parvint enfin à arracher son regard de la photo, pour fixer la porte de sa chambre, se disant qu'il était ingrat envers tout le monde. Il s'adossa complètement à son fauteuil et s'étira, l'esprit hagard, comme la majorité du temps. Il ne cherchait pas à surpasser son état dépressif. De ce fait, il ne pouvait rien faire d'exceptionnel et s'attendre à s'en vouloir encore plus et se traiter d'incapable. Le cercle vicieux persistait.
Le jeune homme ne tentait plus de se confronter à ses propres pensées; mais, il ne pouvait les éviter éternellement. Faire face à lui-même était une peur qu'il essayait d'écarter au maximum. Il ne fonctionnait que par un système d'autodestruction, et ne se voyait pas autrement. Il soupira et lorgna longuement sur l'écran de son ordinateur, qui affichait la fenêtre du jeu World of Warcraft. Il ne lui manquait plus qu'à entrer son mot de passe pour se connecter. Cependant, l'envie de butter du mob pixelisé était aux abonnés absents. Il réduisit donc la fenêtre et se tâta de jouer à Counter-Strike ou à Portal. Se défouler en bourrinage ou en chauffe cérébrale? Il en était toujours à se départager lorsque son portable vibra. Il jeta un œil dessus: «un nouveau message de: Loïc». Celui-ci était court, mais motiva Vincent à savoir quoi faire de sa soirée. Il prit ses clés, ses cigarettes, son feu, et enfila ses chaussures de skate en deux secondes. Puis, il dévala les escaliers, et au seuil de l'entrée, son oncle sortit de la cuisine, tel un fauve prêt à lui sauter à la gorge. Regards de glace échangés.
-Tu vas où comme ça?
Vincent plissa les yeux et se contenta de sortir en claquant la porte derrière lui.
- Non mais il se prend pour qui? C'est pas un hôtel-restaurant ici!
Le jeune homme courut, comme pour fuir de la maison et du malaise régnant. Son ami Loïc vivait chez ses parents, à quelques centaines de mètres à peine. Vincent ouvrit le portail de chez eux, contourna l'habitation, pour aller directement à la chambre de son ami, sa fenêtre baie-vitrée étant de plein pied. Les lourds volets en bois étaient en tambour. Il frappa dessus et Loïc lui ouvrit, un sourire en coin et l'air zen. Avant de ne le voir stressé, il faudrait passer par Lourdes en pèlerinage. Il le fit entrer dans son antre et ils se saluèrent.
- Toi, tu t'es tiré à la sauvette, commenta Loïc à la vue de son pote encore essoufflé.
- J'avais envie de courir, rétorqua l'intéressé d'un ton froid.
- Me fais pas cette blague. Tu détestes courir, dit Loïc en s'affalant sur son lit.
Il fouilla ici et là pour trouver une cigarette non entamée, un feu potable et un cendrier pas encore plein. Vincent s'assit à côté de lui, lourdement, puis s'allongea net et fixa le plafond blanc.
- J'aime pas quand tu parles avec des silences, marmonna Loïc, clope au bec.
- Mon cerveau subit trop de bugs...
- Impossible. A moins que tu te sois attaqué aux acides sans moi, je ne vois pas comment tu aurais de tels bugs, vieux.
Ils se toisèrent un moment.
- Ah ouais... J'avais oublié Paris... Faut pas abuser. Ça t'attaque les neurones en deux secondes.
- Tu ne m'apprends rien, répliqua Vincent en se levant. J'y ai seulement goûté, et n'en ai jamais repris.
- Et tu as encore les effets?!
- Non. Je me refuse à penser, c'est tout.
Loïc écrasa sa cigarette d'un air méditatif.
- Je vais pas te redire ce que ton psy te balance déjà, vieux.
- Y a intérêt. Cinquante euros, ça fait mal au cul...
Ils éclatèrent de rire.
- Me fous pas les jetons, prévint Loïc. La prochaine fois, fais des phrases plus longues.
- J'ai ma réputation de geek à tenir, tu sais, répliqua Vincent avec un semblant de sérieux.
Il sortit une cigarette de son étui en métal et, avant qu'il n'ait pu sortir son briquet, son ami la lui alluma.
- Merci.
- Tu veux passer aux choses sérieuses?
- Je n'ai pris que ça...
- Fainéant...
Loïc dégagea le plateau qu'il avait de côté, le posa devant lui, sortit un pochon, prit une tête, la posa sur le plateau, rangea le pochon, massacra une feuille, en prit une seconde, vida la moitié d'une cigarette dessus, émietta un peu de tête, posa un bout de carton roulé au bout, prit délicatement le joint pour le rouler avec art, lécha la feuille, colla, et tapa.
- Tu viens de faire un monstre, marmonna Vincent, qui ne l'avait pas lâché des yeux. Je mets moins de weed.
- T'auras pas besoin d'un deuxième mon vieux, plaisanta son ami.
Et il l'alluma. Pendant qu'il tirait dessus, il rangea le matériel et réquisitionna le cendrier. Vers la moitié, il passa le joint à Vincent.
- Pas de soufflette? Oh, tu me déçois...
- Tu m'en feras une, rectifia Loïc, hilare.
- Tu peux aller te gratter vieille bique.
- Avec joie. Où donc?
Vincent leva les yeux au ciel, faussement exaspéré.
- J'aime ton humour.
- Ah. J'en ai?
- Beh ouais! Basique, mais c'est de l'humour.
- Ma foi, fit-il en haussant les épaules.
Le joint fini, il enchaîna avec une cigarette pour bien amortir la montée.
- T'as pas besoin avec cette bestiole là, lui dit son ami.
- Qui te dit que j'ai juste envie de me détendre, rétorqua Vincent, de manière tendue.
- Oulà! Tout doux, tout doux.
- Désolé...
- Pas grave. Du moment que tu arrives à trouver ton pieu sans faire de bruit...
- Si je me sens pas, je dors sur place.
- Ouais, mais tu te réveilles tout seul, parce que sinon, je te vire à coups de pied au cul.
- Et Dieu créa Loïc, murmura Vincent d'une voix sentencieuse.
- Et il le regretta, pouffa l'intéressé.
Les deux jeunes hommes finirent la soirée en écoutant de la musique, et discutant peu, chacun se dispersant dans ses propres pensées.
Vers vingt-trois heures, Vincent décida de retourner chez lui. Il laissa son ami à moitié endormi sur son lit et sortit par une nuit fraîche. Il grelotta, non pas de froid, mais d'une petite remontée d'acide. Comme s'il lui restait les effets des acides pris il y a des années de cela. Mais Loïc n'y allait jamais de main morte. Le jeune homme ouvrit la porte d'entrée en silence et referma derrière lui avec autant de précaution.